Valls vs Duflot : la guerre du logement sur fond de crise
Mauvaise nouvelle pour la France, la construction est en crise. Secteur témoin de la santé économique du pays, l’immobilier enregistre de fortes baisses de production. Pour relancer la machine, le premier ministre Manuel Valls a décidé de monter au créneau. Son action intervient sur fond de guerre avec Cécile Duflot ancienne ministre du Logement.
Jamais sans doute un plan de relance du logement n’a suscité en France autant de commentaires. Pas un seul journal, TV, radio ou blog qui n’ait fait sa Une avec les mesures annoncées par Manuel Valls, le 29 août 2014. La situation, il est vrai, nécessite une réponse urgente. Si comme le dit l’adage « quand le bâtiment va, tout va », alors force est de constater que « rien ne va plus ». Car la construction dans l’Hexagone connaît actuellement l’une de ses plus importantes crises.
25 000 emplois supprimés
La construction de logements neufs a enregistré une baisse de 10,8% en 2013 pour atteindre le total de 330 000 mises en chantier dans l’année. Rappelons que le président Sarkozy s’était engagé à mettre en œuvre la construction de 500 000 logements neufs par an, chiffre que François Hollande avait repris à son compte. Et les prévisions pour 2014 sont encore plus alarmantes. Le nombre de mises en chantier devrait tomber à 300 000. Cette baisse a entrainé la suppression de 25 000 emplois dans la construction en 2013, et déjà 7000 lors du premier semestre 2014. Et si le neuf se porte mal, l’ancien ne va pas mieux. On note en 2014, dans certaines villes, une baisse de plus de 30% des transactions immobilières.
Pour relancer le secteur, Manuel Valls a annoncé plusieurs mesures afin de soutenir les ménages dans leur besoin de financement et faciliter les projets de constructions. L’essentiel de ces mesures réside dans des incitations fiscales. Ainsi un abattement exceptionnel de 100 000 euros est accordé sur les droits de donation, aux parents et grands-parents qui aideront leurs enfants à accéder à la propriété. Par ailleurs, d’ici fin 2015, les propriétaires pourront bénéficier d’un abattement de 30% de l’impôt sur le revenu pour la vente d’un terrain destiné à la construction. Un coup de pouce fiscal est aussi consenti pour les travaux de rénovation énergétique (isolation, chauffage….). Ces chantiers donneront droit à un crédit d’impôt de 30%. De plus, à partir de 2015, les ménages qui feront construire un logement neuf dans un quartier dit « prioritaire » bénéficieront d’un taux de TVA réduit à 5,5%.
Blairo-Tacherisme ringard
On note que le prêt à taux zéro (PTZ) va être de nouveau amendé. Sa durée de remboursement devrait être portée à 12 ans. Cette mesure vise à atténuer le poids fiscal de l’endentement sur le budget des ménages. Enfin, l’encadrement des loyers, voulu par l’ancienne ministre du Logement du gouvernement Ayrault, Cécile Duflot, a été officiellement abandonné par Manuel Valls. Cet encadrement ne demeure plus qu’à l’état d’expérimentation et ne concerne à ce jour que la seule ville de Paris. Dans la foulée, le plan Duflot pour le logement a été rebaptisé plan Pinel du nom de l’actuelle ministre du Logement Sylvia Pinel. L’abandon de l’encadrement des loyers est sans doute la mesure la plus attendue par les professionnels du secteur et par les commentateurs.
La réaction de Cécile Duflot ne s’est pas fait attendre. L’ancienne ministre a ainsi jugé « inouï » l’abandon de l’encadrement des loyers. Plus globalement, dans une tribune publiée le 4 septembre 2014 dans le quotidien « Le Monde », elle estime que le plan annoncé par Manuel Valls est une voie sans issue qui va à l’encontre des besoins du secteur. On ne peut être plus clair. Pour Cécile Duflot, Manuel Valls cherche avant tout à satisfaire les professionnels plus que les ménages. Elle compare la méthode à un « Blairo-Tacherisme ringard ». La conséquence, pour l’ancienne ministre du logement, sera un renforcement de la bulle immobilière.
« Il faut lui rentrer dedans »
Face à cette charge, Manuel Valls ne reste pas inactif. Si sa responsabilité de chef du gouvernement ne lui permet pas de répondre en direct, il n’est pas avare de petite phrases assassines sur son ex-collègue des gouvernements Ayrault 1 et 2. Pour Manuel Valls, Cécile Duflot est la ministre de l’ancien gouvernement qui a couté le plus cher à la France. « Sa politique coûte 0,4 à 0,5 point de croissance en moins pour la France », aurait-il confié à son entourage. Il aurait même appelé ses proches à se mobiliser face à l’ancienne ministre du Logement : « il faut lui rentrer dedans ! ».
Le différent entre Manuel Valls et Cécile Duflot est ancien. Cécile Duflot s’inscrit dans une tradition de soutien aux populations fragilisées. Manuel Valls assume lui sans complexe l’inscription de son action dans celle d’une gauche libérale. Il veut redonner de la richesse au pays en facilitant l’action des acteurs économiques. L’avenir seul les départagera. En ce qui concerne le logement, Manuels Valls s’est fixé un objectif modeste : ne pas tomber sous la barre des 300 000 logements neufs construits dans l’année. Bien loin des 500 000 logements promis par François Hollande. Preuve sans doute la relance ne dépend pas que des ministres.