Un métro qui change le regART
En plus de ses nombreux musées, la capitale suédoise, Stockholm, peut se vanter aussi d’avoir l’exposition la plus originale et la plus longue au monde grâce à ses 110 kilomètres de métro! Effectivement, le métro urbain a revisité 90 de ses 100 stations, en offrant ses murs et ses espaces a plus de 150 artistes, et ce pour le plus grand bonheur de ses passagers.
Cette belle histoire de partage, d’ouverture de l’art au plus vaste des publics débute en 1950 avec SL – la régie des transports – la Mairie de Stockholm, Peter Celsing architecte en chef du métro et des artistes tels que Vera Nilson et Siri Derkert, ardents défenseurs de ce projet.
Grâce à l’engouement suscité par cette initiative, l’aventure artistique se perpétue d’année en année au fil des rénovations ou des créations de nouvelles stations et nous offre une palette considérable d’œuvres de toutes sortes.
Ainsi le voyage dans ce nouveau musée souterrain, éclaire aussi bien des mosaïques, des sculptures, des installations, des peintures, photographies … A ces accrochages permanents s’ajoutent aussi des expositions temporaires et des déambulations.
Au fil des années …
Les années 50 ouvrent le bal sur la ligne verte. Les premiers voyageurs découvrent les œuvres de Torsten Treutiger, Erland Melanton ou bien encore Jorgen Fogelquist. 1960, ou la décade « révolutionnaire », s’empare de la ligne rouge. Siri Derkert met en lumière et musique les droits de la femme et la paix. Les seventies : les stations, se transforment en grottes grâce aux procédés modernes. De vieilles phobies du monde souterrain ou d’enfer ressurgissent et provoquent des débats houleux. Ce projet sera sauvé par la pose sur les murs et les plafonds de grilles métalliques colorées !
1980 voit la construction des nouvelles stations grottes dont quatre connus comme les « stations trompettes » où, entre autres, Sture Valentin y représente la vie de Strindberg. La grotte est toujours au gout du jour pendant la décennie 90 mais elles plus spacieuses et lumineuses et Ulrica Hydman et Sture Collin y installent leurs sculptures.
2000 : pas de nouvelles stations. Mais certaines pièces sont retirées au profit de nouvelles. Frederik Landergren offre ses regards en mosaïque et Birgitta Muhr fleurit les quais.
Voyage au centre de l’Art …Station Kungstradgarden ou le jardin du Roi !
Un ticket pour une descente abyssale dans l’univers magique d’Ulrik Samuelson : descendez station Kungstradgarden ! Ici nous quittons la terre ferme pour être transportés vers un ailleurs où l’œil est partout attiré. Au sol, un jeu de mosaïque géométrique verte, blanche et rouge se joue de nous et du relief. Quelques pas de plus et ce jeu est remplacé par un nouveau dallage noir et blanc : échiquier ? Jeu de dames ? Marelle ?
Emergent des murs, des roches rugueuses, des sculptures, présences du passé, qui nous observent aller et venir. Les angles sont ornés de piédestaux aux socles antiques sur lesquels s’élève une spirale toute ronde, toute blanche, toute douce qui invite à la caresse.
L’œil remonte vers le plafond, la roche érodée offre ses angles arrondis. Le vert tendre et profond se confond avec la mousse des forêts. Mais Ulrik Samuelson y a incorporé des quadrillages noir et blanc qui se jouent encore avec celui du sol : mots croisés ? Sodoku ? En tout cas c’est royal !
Un souffle, un feulement … une chenille cubique bleue et jaune se glisse sur le quai, c’est le métro, Zazie serait heureuse ! On y monte pour un parcours dans les tunnels, grottes aux parois parées de lampes rapprochées. La vitesse de la rame transforme la lumière en un trait vibrant. Une fourche, la rame prend au dernier instant à gauche et nous arrivons à notre prochaine étape.
Station Tekniska Hogskolan
Lennart Mork a investi cette station et y mélange, pour notre plus grand plaisir, les éléments futuristes, technologiques et naturels. Le sol gris, sobre scintille légèrement et offre sa surface à une discrète toile d’araignée, carte d’un nouvel univers inconnu.
Les murs partent en volutes blanches et rondes, la main court dessus … c’est rugueux, vivant.
Une lanterne magique or et vitre attire notre regard vers le haut. Les volutes se sont colorées, les dégradés de bleus se jouent avec le blanc, le gris, le noir et se transforment en eau, en mer du Nord. Il règne ici une atmosphère de grand calme et sérénité. On a juste envie de prendre la rame suivante, de laisser passer le temps.
Que l’Art ne s’arrête jamais !
Cette magnifique initiative produit des effets plus qu’intéressants artistiquement et sociologiquement. L’Art est un véhicule d’esthétique, de sens, d’histoire, d’émotions, qui exposé dans les musées, n’est pas toujours facilement accessible au grand public. A Stockholm, les stations sont plus attrayantes, plus sûres et, grâce à la vision du monde des artistes et leur travaux, l’atmosphère qui s’en dégage permet un voyage en toute sécurité et une rencontre au quotidien avec l’art pour le prix d’un ticket de métro (4€) !