Maroc Abattoirs5 432

Engouement pour l’art création aux anciens abattoirs de Casablanca

La transformation des anciens abattoirs de Casablanca en friche artistique est une pleine réussite. Les associations qui animent la Fabrique Cultuelle ont réussi à faire du bâtiment, l’un des principaux lieux de création en Afrique. Pourtant l’existence de la Fabrique Culturelle est loin d’être assurée.

A la périphérie de Casablanca, dans le quartier populaire de Hay Mohammadi, une surprise attend les promeneurs. Derrière le fronton monumental des anciens abattoirs de la ville, dans un dédale de ruelles et de placettes, on croise de jeunes skateurs enchainant des figures acrobatiques ; un rappeur en pleine répétition ; une troupe de danse mettant la dernière touche à son spectacle ; et dans le grand hall, des graffitis et des œuvres contemporaines dessinent le parcours d’une exposition. Bienvenu à la Fabrique Culturelle, la première friche culturelle d’Afrique qui occupe depuis 2009, les anciens abattoirs de Casablanca.

400 000 visiteurs

Depuis son ouverture, la Fabrique Culturelle a accueilli plus de 400 000 visiteurs. Les répétitions et les mises à dispositions des lieux suscitent de nombreuses vocations dans le quartier. Les objectifs de la friche – aider les artistes et partager l’art, notamment avec le public populaire de Hay Mohammadi – sont pleinement remplis. La Fabrique Culturelle est ouverte à une multitude d’expressions. Les arts « classiques » : art plastique, danse, théâtre. Mais aussi le street-art : rap, skate, graffiti, hip-hop, stylisme. Le résultat est une véritable effervescence artistique.

Pourtant, l’existence de cette pépinière n’est toujours pas assurée. C’est au début des années 2000 que les abattoirs de Hay Mohammadi ont cessé leur activité. Le bâtiment avait été construit en 1922. A l’époque, il s’agissait d’équiper Casablanca d’un grand abattoir pour répondre aux besoins d’une ville en pleine croissance. Les architectes parisiens Albert Greslin et Georges-Ernest Desmarest bâtiront un édifice monumental de style art-déco et néo-mauresque. Cette architecture a notamment permis à l’édifice d’être inscrit au registre des monuments historiques en 2003. Une décision qui facilitera la transformation des abattoirs en espace dédié à la culture.

fabrique-culturelle-anciens-abattoirs-casablanca

Un succès retentissant

Les discussions concernant l’avenir des abattoirs commencent dès leur fermeture. Aux projets artistiques, s’opposent des plans d’urbanisme prévoyant la construction d’espaces résidentiels. Dès cette époque, des artistes investissent les lieux. Le plasticien Georges Rousse passera, en 2003, plusieurs mois en résidence dans le bâtiment désaffecté. En 2004, le metteur en scène Cyril Teste y présente une version inédite d’Ajax ; la tragédie de Sophocle.

Ce ne sont là que des initiatives ponctuelles. L’avenir du bâtiment est toujours en discussion. En 2008, la ville signe enfin une convention avec l’association Casamémoire. Elle court sur une année et prévoit la mise à disposition des lieux pour des projets artistiques. Un an plus tard, en avril 2009, les associations d’artistes qui forment le collectif Casamémoire réussissent à frapper un grand coup. Le festival Transculturelles attire en trois jours plus de 30 000 visiteurs, principalement des habitants du quartier qui s’approprient le lieu. C’est un succès retentissant.

Un parking à la place des peintures

Une réussite que les élus locaux n’avaient, semble-t-il, pas anticipée. Alors que la première année d’existence de la Fabrique est un vrai succès, la ville tarde à renouveler la convention. L’engouement autour des anciens abattoirs dérange. Il est assez éloigné de la vision plus conventionnelle que les politiques se font d’un lieu officiel de création. Cinq ans plus tard, la nouvelle convention n’a toujours pas été signée. La Fabrique Culturelle éprouve, dès lors, les plus grandes difficultés à maintenir son activité. Car sans désignation officielle, impossible pour le collectif d’obtenir des subventions et des sponsors. Les bâtiments n’ont ainsi toujours pas pu être rénovés.

casa

Signe de cette défiance de la ville, en janvier 2013, les artistes découvrent leurs locaux envahis par une multitude de voitures officielles. Les autorités ne sachant où garer les véhicules de fonctions, les avait parqués entre tableaux et sculptures. L’affaire ne durera que quelques jours, mais elle participe à accroitre l’incompréhension entre artistes et élus. La situation de la Fabrique Culturelle est aujourd’hui paradoxale. En quelques années, les anciens abattoirs de Casablanca sont devenus un lieu symbole de la culture en Afrique, au-delà même de ce que les concepteurs avaient imaginé. Pourtant le collectif d’artistes ne sait toujours pas s’il pourra demain poursuivre sa mission. La transformation du lieu en pépinière artistique est une pleine réussite. Trop belle et trop retentissante sans doute pour les élus.