Transports en France, les raisons d’un service au ralenti
Après un mois d’aout difficile pour des travailleurs condamnés à prendre le RER et un mois de septembre désastreux pour les Français voyageurs qui ont encore le goût pour l’aventure aérienne, le constat est sans appel, le réseau de transports en commun français a tout du casse-tête chinois pour ses utilisateurs. Si certains dénoncent un soi-disant goût prononcé des Français pour la grève, cela ne suffit pas à expliquer le profond dysfonctionnement d’un service qui fit jadis la gloire de la France.
« C’est la galère ! » affirme ce père de famille qui tente de rejoindre le continent avec la SNCM. La cause ? Une énième grève de la compagnie. On peut comprendre sa colère. Comment lui expliquer que c’est un mal profond qui gangrène notre réseau de transport ? Parmi les raisons principales, il y a avant tout un problème à se moderniser que ce soit en termes d’infrastructures ou de développement compétitif pour suivre le rythme d’un marché des transports en totale mutation. Les défis lancés à la France laissent patronat et syndicat impuissants devant les chantiers à entreprendre.
«C’est du grand n’importe quoi ! » crie un usager de la ligne du RER D. Le mois d’août aura en effet été marqué par les galères rencontrées par les utilisateurs du réseau express régional qui, s’ils savent que le trafic est réduit pendant les vacances, ont constaté un net retrait de l’offre de trains. En cause, un service d’été peu cohérent, trop long, injustement appliqué et qui aura laissé un bon nombre de nos concitoyens abandonnés sur le bord du quai. Certaines lignes ont en effet vu leur service reprendre plus tôt quand d’autres gares restaient désespérément désertes. La modernisation des infrastructures est un autre défi qui se présente à notre pays et aujourd’hui un obstacle majeur au bon fonctionnement de notre réseau.
Mieux vaut tard que jamais ?
Après de trop nombreuses années à remettre des chantiers de modernisation majeurs à plus tard afin de ne pas perturber la circulation, la RATP et SNCF sont désormais au pied du mur et alors que les travaux se font plus intenses, les utilisateurs sont une fois de plus les otages d’un manque de vision évident.
Ce résultat est symptomatique d’un réseau de transport transpercé par des luttes politiques entre syndicat et patronat qui voient le développement du marché de façon très différente. Un rapport de force dont les victimes restent à ce jour les utilisateurs. En témoigne l’actuelle grève record des pilotes d’Air France opposés à une réforme capitale pour le géant de l’aviation français condamné à une profonde mutation si il veut survivre.
La peur du changement
Si tout le monde s’entend sur le besoin de mutation de l’offre, les priorités semblent diverger entre patronat et syndicat. Ces derniers, soucieux de sauvegarder les emplois mais peut être aussi de se faire réélire sont ainsi parvenus à « geler » la réforme sur laquelle planchait la direction qui de son côté manque trop souvent de communiquer clairement ses intentions. Un patronat qui n’a su prendre les bonnes décisions au bon moment. « Les low costs n’ont aucun avenir » signalait la direction d’Air France il y a dix ans ! De vrais visionnaires ces dirigeants ! Mais ils savent une chose l’usager se retournera facilement contre les grévistes les traitant de « fainéants trop payés ». De leur côté, les syndicats craignent, surement à raison, que le plan « Perform 2020 » sensé rationaliser l’offre d’Air France se fasse à grands coups de délocalisations et dumping social.
Ces luttes intestines montrent une profonde crainte du changement et l’évidente faiblesse de la France et plus largement de l’Europe à moderniser ses transports. Le succès de la grève des pilotes d’Air France ne démontre pas seulement la capacité d’une corporation à bloquer une réforme pourtant nécessaire, mais aussi et surtout un profond manque de compréhension globale du sujet par la direction d’Air France dont la réforme a été balayé en à peine dix jours.
L’implication du Premier ministre Manuel Valls afin de faire cesser la grève montre à quel point l’action du gouvernement sera centrale dans cette mutation vitale du système de transport. Il est en effet primordial pour la France de mettre en place une vision cohérente de notre réseau de transport aux niveaux national et international si le pays ne veut pas rester sur le bord de l’autoroute du développement.
Et on n’est pas aidé si la stupidité de syndicats très forts en communication se met en marche avec des préavis de grève pour soutenir des cheminots accusés d’avoir bu de l’alcool dans un poste d’aiguillage ! « Une réforme ? Non Sire une révolution ! » Peut-on entendre sur les quais de la gare Paris-Saint-Lazare. Vous sentez la moutarde monter au nez ?