Smombies : quand les villes s’adaptent à ce phénomène
Depuis quelques années, un nouveau type de piéton hante les trottoirs urbains : le smombie, contraction de smartphone et zombie. Ce néologisme désigne les personnes qui marchent les yeux rivés à leur téléphone, inconscientes de leur environnement immédiat.
Ce comportement, en forte hausse avec la généralisation des smartphones, pose de véritables défis en matière de sécurité routière, d’aménagement urbain et de vivre-ensemble. Face à ce phénomène, les villes multiplient les initiatives pour limiter les risques et adapter l’espace public à ces usagers inattentifs.
Des aménagements urbains inédits
Plusieurs villes pionnières ont pris des mesures concrètes pour intégrer les smombies dans leur politique de mobilité. Dès 2016, la ville d’Augsbourg en Allemagne a installé des feux piétons au sol, directement intégrés dans les trottoirs, au niveau des passages pour piétons. L’objectif : capter l’attention des smombies en leur affichant un feu rouge visible sans qu’ils aient besoin de lever les yeux de leur écran. Ce système a été salué comme innovant, bien qu’il ait aussi suscité des débats sur le rôle de l’espace public.
D’autres villes ont suivi cette voie. À Bodegraven, aux Pays-Bas, des LED rouges ont été intégrées aux dalles des trottoirs pour signaler le passage d’un tramway. En France, certaines municipalités ont commencé à réfléchir à des adaptations similaires. Lyon, par exemple, a mené des expérimentations en matière de signalisation renforcée et d’urbanisme tactique, afin de réduire les zones de conflits entre véhicules et piétons inattentifs. On observe également une multiplication de campagnes de sensibilisation, souvent humoristiques, pour inciter les piétons à « lever les yeux ».
Le cas exemplaire de Séoul
Parmi les villes les plus actives sur ce sujet, Séoul se distingue par son approche technologique et intégrée. Face à la hausse des accidents impliquant des piétons absorbés par leurs téléphones, la capitale sud-coréenne a mis en place des systèmes d’alerte multifonctionnels. Ceux-ci comprennent des feux LED incrustés dans les trottoirs aux passages piétons, des signaux lumineux clignotants projetés sur la chaussée, et même des panneaux avertisseurs représentant un smombie pour sensibiliser les usagers.
Séoul a également expérimenté des notifications push sur smartphone via Bluetooth lorsque les piétons approchent d’un carrefour dangereux. Cette approche mêle prévention, technologie et design urbain pour renforcer la sécurité tout en tenant compte des usages contemporains.
Entre innovation et responsabilité individuelle
Si ces dispositifs témoignent d’une capacité d’adaptation rapide des villes, ils soulèvent toutefois plusieurs questions sociales, éthiques et pratiques. Adapter l’environnement urbain aux comportements à risque ne risque-t-il pas d’encourager l’inattention plutôt que de la corriger ? Certaines voix critiquent cette « infantilisation » des citoyens et rappellent que la responsabilité individuelle doit aussi jouer un rôle central dans la sécurité collective.
Le phénomène des smombies révèle aussi une forme de dépendance technologique croissante, où l’interaction avec le réel est reléguée au second plan. Cela interroge non seulement notre rapport à l’espace public, mais aussi à la citoyenneté, à la civilité et au vivre-ensemble. En se coupant du monde qui les entoure, les smombies deviennent aussi des symboles d’une société fragmentée, où chacun évolue dans une bulle numérique, au détriment de la vigilance collective.
Enfin, il reste à savoir si ces aménagements doivent devenir la norme ou rester des solutions temporaires. Les collectivités devront arbitrer entre innovation technologique et éducation des comportements, dans une réflexion plus large sur la place du numérique dans la ville de demain.
Photos : scity-lab.com et lumieresdelaville.net et corriere.it