Le Louvre des sables comme nouvel outil du rayonnement culturel d’Abou Dhabi
Le 11 novembre dernier, Abou Dhabi a enfin inauguré son « Louvre des Sables », fruit de dix ans de travail et d’une importante collaboration franco-émiratie. Ce grand musée universel de la culture arabe frappe par son gigantisme et par sa grandeur. Une nouvelle façon pour les Emirats d’afficher une image positive et saine de leur monarchie qui reste pourtant décriée pour son retard en matière de droits de l’homme et son manque de conscience climatique.
« Le Louvre des Sables. » L’image est posée, elle est esthétique, limpide et efficace. Le 11 novembre dernier, les regards du monde entier se sont tournés vers les Emirats arabes unis et plus particulièrement sur Abou Dhabi qui vient d’inaugurer et d’ouvrir au grand public le premier grand musée universel du monde arabe.
C’est sur la petite île de Saadiyat (l’île du bonheur) reliée au continent par un pont, que s’est érigé le Louvre d’Abou Dhabi après plus de dix ans de travaux. L’inauguration a d’ailleurs été repoussée deux fois (2014 puis 2015), preuve de l’immensité et de la complexité de cet ouvrage colossal.
Un accord signé sous Jacques Chirac
Et le 8 novembre dernier, Emmanuel Macron et le Cheikh Mohammed Ben Zayed al-Nahyan, prince héritier du royaume, se sont bien retrouvés pour célébrer l’ouverture de ce grand musée, fruit d’une collaboration inter-gouvernementale franco-émiratie signée sous le mandat présidentiel de Jacques Chirac mais entièrement financé par Abou Dhabi.
Contre un chèque de 965 millions d’euros qui doit servir la culture française, l’Emirat peut disposer pendant 30 ans (durée de l’accord) du savoir-faire français et échanger des œuvres avec les musées hexagonaux (treize musées ont prêté des œuvres pour l’inauguration). Parmi ce budget, 400 millions d’euros sont alloués à l’utilisation de la marque « Louvre », à l’image des contrats de naming qui existent dans de nombreuses enceintes sportives à travers le monde.
Un village-musée créé sur le modèle des anciennes médinas arabes
Le budget initial, près de 600 millions d’euros (en plus de la collaboration avec l’Etat français), aurait, selon certaines sources, été dépassé. Quelques chiffres viennent étayer la grandeur du projet. 503.000 mètres cubes de sable ont été utilisés pour créer les fondations des 55 bâtiments blancs créés sur la tradition des médinas arabes et offrant une impression de ville-musée de 64.000 mètres carrés regardant la mer.
C’est le Français Jean Nouvel, la star des architectes mondiaux qui a dessiné le projet. « Je ne voulais pas d’un building mais plutôt d’un quartier », a-t-il révélé. Ce n’est donc pas une pyramide comme au Louvre parisien mais plutôt un grand et vaste dôme blanc de 40 mètres de haut pour 180 mètres de diamètre qui domine les lieux. Il est composé de 7.850 étoiles transparentes chargées de déverser une pluie de lumière sur les visiteurs.
Une torah, une bible et un coran réunis
Si le contenant impressionne, le contenu ne sera pas en reste. Des œuvres venant d’Europe occidentale, du Moyen-Orient, d’Afrique ou d’Asie parmi lesquelles des pièces rares comme un bracelet iranien datant de 3.000 ans. 600 œuvres devraient composer la collection permanente du musée (dont déjà 200 pour l’inauguration).
Figure aussi une pièce dans laquelle se réunissent une torah, une bible et un coran, preuve de la volonté d’ouverture et de rassemblement de l’Emirat, souhaitant délivrer par cette occasion un message de paix à l’heure d’un contexte international pollué par le terrorisme et le clivage orient-occident.
D’autres bâtiments en attente
Le « Louvre des Sables » se veut éclectique et connecté. Toutes les formes d’art y sont exposées (photographie, peinture, sculpture, gravure…) et de nombreux événements et projets devraient voir le jour rapidement.
On évoque un musée d’art moderne Guggenheim Abou Dhabi, un musée maritime ou encore un musée national historique. Tous ces bâtiments seront construits, eux aussi, sous la direction d’architectes de renommée internationale et viendront renforcer la grandeur du Louvre Abou Dhabi.
La culture comme attrait touristique
Avec ce musée hors normes, l’Emirat veut devenir la place forte de la culture au Moyen-Orient. Une manière de rayonner dans la région mais aussi dans le monde en devenant la référence en matière de culture universelle et arabe.
Après les investissements dans le sport (rachat du club anglais de Manchester City, organisation d’un grand-prix de Formule 1), l’Emirat souhaite montrer au monde entier une image d’ouverture à la culture en investissant massivement dans ce secteur. C’est surtout une façon de s’installer comme une place-forte des lieux à visiter sur la planète en attirant le tourisme grâce à ses œuvres uniques en leur genre.
Des controverses toujours importantes
Seulement, si la monarchie établie veut exporter des messages de tolérance, la réalité au quotidien est parfois bien différente. Divers médias ou organisations non gouvernementales rapportent régulièrement que les travailleurs étrangers ont du mal à faire respecter leurs droits dans les Emirats, particulièrement à Abou Dhabi où 80 % des travailleurs viennent de l’étranger. Le traitement réservé à certains opposants politiques fait aussi débat pour rappeler que les Emirats ont encore beaucoup à faire en matière de respect des droits de l’homme et de la femme.
De nombreux spécialistes s’interrogent également sur le mode de transport et de conservation des œuvres qui vont atterrir dans des atmosphères chaudes (autour de 40 °C). Les autorités évoquent des procédés de maintien au frais grâce à des moyens « spéciaux », c’est-à-dire une climatisation outrancière pour ne pas abîmer les œuvres.
Si la clinquante vitrine du « Louvre des Sables » permet de tourner les objectifs vers Abou Dhabi, il ne faut certainement pas oublier de prendre en compte l’envers du décor et se servir de ce coup de projecteur pour rappeler ce qu’il reste encore à réaliser dans la région. Tout en observant avec curiosité la grandeur de ce qui pourrait être le nouveau carrefour culturel mondial.