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Francis Kéré, premier Africain à gagner le Pritzker

De Gando, petit village du Burkina Faso où vivent 2 500 personnes, jusqu’au prix Pritzker 2022, le graal de l’architecture. Tel est le parcours incroyable réalisé par Diebedo Francis Kéré, dont l’obtention de la distinction suprême pour un architecte le place au même rang que de grands noms tels Jean Nouvel ou Oscar Niemeyer, eux aussi lauréats de ce prix dans le passé. Avec cette récompense, Francis Kéré a définitivement basculé dans la dimension des meilleurs de sa discipline.

Les spécialistes de l’architecture n’ont pas été surpris de voir « L’homme de Gando », résidant aujourd’hui à Berlin, obtenir une telle reconnaissance. Déjà, parce que son œuvre est belle et surtout, parce qu’elle intègre des principes d’intégration et d’écologie. Cette propension à créer avec des matériaux de proximité et écologiques des bâtiments à destination de ceux qui en ont besoin est la résultante d’une vie où il a été marqué par les conditions difficiles du quotidien. « Tout le monde mérite la qualité, le luxe et le confort », dit-il lors d’une interview. Son crédo est simple : être riche n’oblige pas à gaspiller les matériaux et être pauvre n’empêche pas d’avoir des bonnes idées.

Il réussit à développer son village natal

Francis Kéré, est le fils aîné du chef du village de Gando, où il vit ses sept premières années avant d’être envoyé à Ouagadougou pour poursuivre ses études. Il obtient ensuite une bourse d’études de charpentier professionnel en Allemagne en 1985. Il y suit également des cours du soir qui lui ouvrent les portes de l’école d’architecture de Berlin qu’il rejoint en 1995 grâce à une nouvelle bourse. Il en ressort diplômé en 2004. 

Sa séparation précoce avec son village lui a causé une peine inconsolable et il s’est servi de cette expérience pour corriger une injustice : l’absence de structures écolières dignes de ce nom. C’est ainsi qu’il a réussi à créer une école primaire à Gando dans un style novateur en utilisant des matériaux moins coûteux et moins énergivores. En 2001, ce bâtiment voit le jour, fait de briques de terre comprimées et d’un toit de tôle surélevé pour réussir une ventilation naturelle afin de conserver la fraîcheur dans une région très chaude et sèche. 

À Gando, l’architecte poursuit ses œuvres et lors des vingt dernières années, trois constructions phares sortent de terre : un collège, une bibliothèque et un centre associatif pour femmes. Citons aussi un projet de protection des manguiers. Toutes ces réalisations sont possibles grâce à la mobilisation de réseaux de financement de la part de Francis Kéré dont le nom suffit à mobiliser des fonds. 

Des réalisations aux quatre coins du monde

Sa réputation franchit les frontières et il monte des projets importants sur le sol africain : Mali, Bénin, Kenya, Togo, Mozambique… Parmi ses réalisations notables, il faut citer le parc national du Mali (2010) à Bamako, où il utilise des pierres de la région pour créer un ensemble de bâtiments rendant grâce à la beauté naturelle du site. Il y a également le centre de Léo, au Burkina Faso (2014), qui abrite un établissement de santé avec une maternité, un centre de chirurgie et des logements pour les soignants. Les bâtiments sont construits en pierre et en béton pour conserver la fraîcheur et sont surmontés de grands toits avancés qui créent de l’ombre et récupèrent l’eau pluviale afin d’arroser des jardins en souffrance dans cette région sèche. 

Au-delà de l’Afrique, les projets de Francis Kéré sont visibles notamment en Chine avec le Zhou Shan Harbour Development ou en Suisse, où il dessine le musée de la Croix-Rouge et du Croissant rouge à Genève. Il participe aussi à la Serpentine Gallery à Londres où chaque année, un architecte de renommée est invité à édifier un pavillon d’été provisoire. 

De prestigieux projets l’attendent

Et tous ces beaux projets sont loin d’être les derniers car Francis Kéré est un homme sollicité qui va avoir peu à peu la charge de constructions de plus en plus prestigieuses. Si son rêve est de dessiner le nouveau bâtiment de l’Assemblée nationale du Burkina Faso – ses plans sont prêts – , il va devoir patienter en raison des instabilités politiques dans son pays. Pour se consoler, il est déjà lancé sur le nouveau parlement du Bénin, situé à Porto Novo tout en préparant le projet de mémorial Thomas Sankara au Burkina Faso.

En attendant, il profite de manière éphémère de son prix Pritzker puisqu’il ne veut pas s’attarder sur ses réussites : « Je suis sans voix et je suis très honoré mais j’ai aussi un sens de la responsabilité. » Un sens de la responsabilité qui le pousse sans cesse à guider ses actes pour en faire profiter le plus grand nombre. 

Photos : dw.com