Evol, l’art de bâtir en trompe-l’oeil
L’artiste allemand Evol peint des façades miniatures sur des cartons recyclés et des espaces urbains désaffectés.
Evol refuse l’étiquette de street-artist. Pourtant c’est là, au détour des rues, qu’il trouve son inspiration et les supports de ses œuvres. Il les arpente à la recherche de mobilier urbain désaffecté, de friches industrielles, qu’il habille d’interminables façades miniatures façon barre HLM. Equipé d’une simple boîte emplie de pochoirs et de bombes aérosols, il recouvre inlassablement cabines téléphoniques, boîtiers électriques, poubelles, murs de béton de ses façades anonymes composées toujours des mêmes petites fenêtres.
L’artiste allemand, né à Heilbronn en 1972, vit et travaille aujourd’hui à Berlin. Après des études d’art à la Kupio Academy of Arts & Crafts en Finlande (en 2000), et de design à la Schwäbisch Gmünden en Allemagne (en 2001), c’est déjà dans la rue qu’il débute, en graffant avec son complice Pisa73 du collectif Ctink.
Un set de pochoirs et des bombes aérosols pour Evol
L’idée des façades lui vient un jour où, au fond du trou, Evol se rend au service chômage local. L’architecture du bâtiment, hérité de la reconstruction de masse de l’Allemagne socialiste d’après-guerre, le frappe comme un coup en pleine face. Ces façades symbolisent l’échec d’une politique urbaine, et l’absurdité de ces bâtiments anonymes et inhumains dans lesquels plus personne ne veut vivre. « Ces buildings sont le produit des hommes. Les gens qui les ont planifiés, les gens qui les ont construits et ceux qui y vivent, chacun y laisse sa trace» raconte Evol à Hugo Vitrani devant les caméras de Mediapart.
Ces traces, laissées sur le béton, graffitis ou marques du temps, Evol y accorde une importance particulière. Il aime les laisser s’intégrer à ses œuvres. Elles y ajoutent des touches subtiles qui racontent une histoire. Ainsi ces façades, réalisées à partir d’un set très basique de pochoirs modulaires, sont à la fois toutes semblables et différentes. L’artiste attire ainsi l’œil sur l’invisible, ces objets du quotidien et façades auxquelles on ne porte plus attention, sans oublier tous ceux et celles qui ont vécu ou vivent encore dans ces cités, dans ces barres d’immeubles anonymes. Car l’humain est au cœur de l’œuvre d’Evol, même s’il a choisi délibérément de ne pas le représenter.
Des mini-cités sur des cartons recyclés
A côté de ses œuvres de rue, Evol miniaturise également des bâtiments, dans le même esprit, mais en atelier. Là encore le support est fait de cartons usagés qui servent de toile de fond. « Le travail en atelier est beaucoup plus élaboré » explique Evol. Ces mini-bâtiments de cartons, parfois de complètes mini-cités sont exposés à travers le monde dans diverses expositions. En 2011, Evol, reconnu comme l’un des meilleurs pochoiristes européens, a reçu le prix Slick de Arte et Beaux-Arts magazine.
Evol est un artiste plutôt discret, peu présent dans les médias. Il apprécie particulièrement l’hommage donné à son œuvre dans la rue par des anonymes. « Je suis content de voir que les gens réagissent en dessinant des drapeaux aux fenêtres, des petits graffitis ou en personnalisant mes œuvres avec leurs propres personnages. »
On peut ainsi découvrir des œuvres d’Evol au détour d’une rue dans l’une des nombreuses villes où il est passé, de Paris à Istanbul. Son travail en studio est actuellement exposé et jusqu’au 30 novembre prochain au Krasnoyarsk Museum Center en Sibérie à l’occasion de la Biennale “Touching Practices”.