Espagne : La seconde vie de l’Eglise Santa Barbara
C’est une église à priori bien ordinaire qui trône au centre de Llanera, petite commune espagnole de 14.000 habitants. Du temps de sa splendeur, les centaines d’ouvriers embauchés dans l’usine de munitions voisine venaient se recueillir dans le grand bâtiment de style néo-baroque, érigé en 1912. Depuis la fin de la guerre civile, le lieu était resté déserté et abandonné. Mais la persévérance d’une poignée de passionnés a permis de redonner vie à l’édifice, d’une manière insolite et inattendue.
Un miracle d’obstination
L’église Santa Barbara avait toutes les chances d’être transformée en commerce. C’est du moins l’avenir que lui prévoyait Fernández Rey, le jeune entrepreneur qui acquiert le bâtiment en 2007. Mais la crise qui, une année plus tard, frappe l’Espagne de plein fouet met un terme au projet initial. Loin de se décourager, le jeune homme, skateur émérite, imagine aussitôt une nouvelle destination au monument : pourquoi ne pas profiter de l’espace offert par la nef pour y installer une rampe de skateboard ? L’idée n’est pas si incongrue dans cette région des Asturies où la pluie tombe en moyenne plus de 200 jours par an, et où les jeunes ne disposent que de peu d’activités. De plus, l’architecture du lieu, avec ses hauts plafonds et ses larges vitraux, semble idéale pour abriter les prouesses des skateurs.
Opération séduction
Entouré de quelques amis tout aussi passionnés que lui, Fernández Rey créé l’association « The Church Brigade », qui se donne pour objectif de transformer la vielle église en skatepark. Les membres du groupe commencent à restaurer le monument et y installent un modeste « half-pipe ». La réputation du « Kaos Temple », comme ils le surnomment, dépasse vite les frontières de la région et attire l’attention de nombreux passionnés, rendant le projet beaucoup plus ambitieux.
Un appel au mécénat est alors lancé. Une demande à laquelle répond RedBull en finançant une partie des travaux les plus coûteux. Dans la foulée, une page Facebook est créée, rapidement remarquée par l’artiste-peintre madrilène Okuda San Miguel. Intéressé par le projet, ce dernier promet alors de décorer intégralement les murs de l’église.
Kaos Temple : nouveau lieu de pèlerinage
Par le biais de la plateforme de crowdfunding Verkami, les 24.000 euros nécessaires aux frais de peinture sont rassemblés en à peine plus d’un mois. Les murs décrépis se couvrent alors de fresques aux couleurs explosives. « C’est ma propre chapelle Sixtine »[i], déclare fièrement l’artiste, qui a lui-même organisé la collecte de fonds.
Si Fernández Rey et sa Church Brigade sont conquis par le résultat, un doute planait sur les réactions suscitées auprès de la communauté religieuse, très active dans cette région d’Espagne majoritairement conservatrice. Aucune objection n’a été formulée à l’encontre du projet, et les relations avec la presse et le clergé semblent, selon Fernández Rey, être au beau fixe.
Les skateurs, les amateurs d’art, d’histoire ou d’architecture, et tous les curieux peuvent d’ores et déjà pousser les deux larges portes du Kaos Temple pour se rendre compte par eux-mêmes du succès de l’entreprise.