Berlin: faire d’un aéroport désaffecté le cœur social de la ville
Berlin avait fait ses adieux à l’aéroport de Tempelhof en 2008. Un terminal qui ne correspondait plus aux demandes du transport aérien moderne. Situé en plein centre-ville et classé monument historique, cet aéroport d’un kilomètre de long a été reconverti en immense parc. Un projet qui fait la joie des Berlinois!
Plus grand que Central Park
Construit au début des années 1920, Tempelhof était l’un des trois plus grands aéroports d’Europe de l’Ouest avant la Seconde Guerre mondiale. Le premier au monde à accueillir des vols commerciaux, il a également très tôt été relié au métro, en 1927. Durant la période nazie, le gouvernement l’avait fait développer, le transformant en l’une des majeures mégastructures de leur architecture. C’est de son toit, par exemple, qu’Hitler avait prévu que 80.000 personnes viennent l’acclamer. Mais c’est également Tempelhof qui, plus tard, est devenu la plateforme majeure des Américains pendant la Guerre Froide.
Depuis sa fermeture, son avenir restait incertain, laissant place à toutes sortes d’idées comme celle d’y aménager un nouveau zoo qui rassemblerait les animaux des deux déjà existants.
Parc bobo
Mais il fallait bien se décider à aménager ces 380 hectares, dans lesquels on ferait tenir Central Park. Et en 2010, il est devenu Tempelhof Feld, un espace public sans arbre offrant un paysage post-apocalyptique à ses visiteurs. Il est rapidement devenu un lieu pour les pique-niqueurs du dimanche, les festivals de musique ou de cerfs-volants. Une piste de course automobile y est également en chantier. Cette diversité d’usages en a fait l’un des endroits les plus « rétro-bobos » de la ville.
Aujourd’hui, les jardins communautaires bourgeonnent sur ce qui était le tarmac. Au milieu des tournesols et des légumes, on y a même installé des barbecues, des aires de pique-nique et de frisbee. Certains visiteurs, plus sportifs, s’approprient les 6km de parcours pour leur footing. Le terminal connaît également des heures nouvelles. À la place des guichets, on y trouve des espaces de bureau, une garderie, une école de danse et un théâtre.
Restaurer l’humain dans le trafic
L’appropriation naturelle par les Berlinois de Tempelhof reflète une tendance plus grande : celle de convertir les espaces désaffectés par le trafic en Mecque du lien social. Dans ce cas, c’est l’architecte danois Jan Gehl, qui a conseillé la municipalité de Berlin. Baptisé le « pape de l’éco-mobilité », Jan Gehl axe la majorité de ses réalisations sur le bien-être des cyclistes et des piétons. Selon lui, on a arrêté de construire des villes autours de leurs habitants dans les années 1960 quand on a commencé à produire les voitures en série. Il s’agit donc aujourd’hui, pour lui, de remettre l’homme au centre de sa ville et ainsi redonner accès à un lien social dans les grandes cités.
Ce dernier s’est en effet effiloché depuis cinquante ans et les approches de développement urbain n’y sont pas étrangères. Pour Gehl, une bonne architecture ne doit pas seulement être belle, elle doit également permettre une meilleure interaction entre une infrastructure et ses usagers.
Le parc berlinois n’est cependant pas à l’abri de transformations. En 2011, en raison de la hausse des prix du logement, il avait déjà été question de raison de développer 25% de la surface du parc en logements. Les riverains et usagers s’y étaient vivement opposés.
Tout comme Paris et sa gare d’Orsay, Berlin est propriétaire d’un espace géant duquel il ne sait quoi faire et il faudra des années avant de pouvoir statuer. C’est l’apanage de beaucoup de municipalités qui possèdent de grands terrains publics. À l’heure actuelle, la ville de Berlin envisage de louer une portion du terminal à un hôtel, une autre à des start-ups locales et des entreprises de nouvelles technologies. Un musée fait également partie des plans. Mais la seule certitude reste que l’avenir du parc est encore flou.