Quel avenir pour les grands ensembles urbains ?
Les « tours » et les « barres » des grands ensembles ont été construites entre la fin de la seconde guerre mondiale et le premier choc pétrolier de 1972 afin d’accompagner l’essor économique des Trente Glorieuses. A l’époque, ces nouvelles constructions faisaient consensus entre architectes, urbanistes, élus et politiques. Toutefois, ces dernières décennies ont vu leur situation se dégrader. Bâtis généralement à la périphérie des grandes villes, les grands ensembles sont devenus des enclaves où pauvreté et violence ont fait irruption. Depuis la fin des années 80, diverses politiques de la ville et du logement se sont succédé entre démolition et réhabilitation du bâti.
La solution à la crise du logement de l’après-guerre
Solution rapide et économique à la crise du logement de l’après-guerre, la construction des grands ensembles répondait également au problème d’insalubrité des logements existants. Toutefois, ce choix a rapidement été remis en cause avec l’apparition des premiers signes de dégradation des bâtiments parfois cinq ans à peine après leur construction. Dans les années 1970, la situation s’est aggravée avec la nouvelle politique en faveur de l’accession à la propriété qui a vu le départ des classes moyennes vers les banlieues pavillonnaires, favorisant ainsi la concentration des plus classes sociales les plus défavorisées dans ces grands ensembles.
Les politiques de démolition et reconstruction des logements sociaux
La vie sociale difficile dans ces quartiers ajoutée à un cadre bâti dégradé est à l’origine de nombreux débats sur la démolition ou la préservation de ces constructions. Au niveau politique, la rénovation urbaine réapparaît en 2000 avec la loi « Solidarité et Renouvellement urbain» qui impose, au nom de la mixité sociale, un minimum de 20 % de logements sociaux dans les communes urbaines.
Cette politique se poursuit en 2003 avec la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, dite loi Borloo, qui institue le programme national pour la rénovation urbaine (PNRU) et vise à moderniser les grands ensembles de logements sociaux en combinant la démolition, la construction durable et la mixité sociale. Elle crée pour cela l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU, 30 milliards d’euros) dont l’objectif est de démolir 250.000 logements en cinq ans afin de reconstruire 200.000 logements de remplacement et en rénover tout autant.
Le bilan du PNRU est toutefois en demi-teinte malgré son prolongement de cinq années. En effet, si le PNRU a été doté de moyens importants, il n’a pas atteint ses objectifs : 140.000 logements ont été détruits, pour 165.000 recréés. Mais c’est surtout l’objectif de mixité sociale qui a le plus échoué dans ces quartiers sensibles où, même modernisés, les classes moyennes ne se précipitent pas.
L’exemple de la « muraille de Chine » de Clermont-Ferrand
C’est le défi que devra relever la municipalité de Clermont-Ferrand qui a annoncé le 26 septembre dernier la démolition de sa muraille de Chine, nom d’une longue barre d’immeubles en béton qui domine la ville. Construite en 1961, la construction tire son surnom de ses dimensions monstrueuses : 320 mètres de long pour une hauteur de 8 étages. Composée de 354 appartements, elle offrait jusqu’à présent aux Clermontois les loyers les moins chers de l’agglomération et comportait 89 % des logements sociaux.
Un long débat s’est déroulé entre défenseurs de sa réhabilitation considérant la muraille de Chine comme un élément du patrimoine architectural local et les partisans de sa démolition. Mais la vétusté de l’édifice (étroitesse des logements, mauvaise isolation, normes non respectées) a fait pencher la balance en faveur de sa démolition prévue aux alentours de 2021-2022.
La réhabilitation, alternative à la démolition des grands ensembles
Le recours massif la démolition de logements sociaux encouragé par l’ANRU est une menace importante à leur patrimonialisation. Symbolisant la force des Trente glorieuses et leur ambition d’un logement digne pour tous, les grands ensembles sont les témoins d’un moment fondateur de notre histoire collective et certains méritent d’être intégrés au Patrimoine.
En 1999, le label « Patrimoine du XXe siècle » a été créé par le ministère de la Culture et on peut estimer aujourd’hui à environ une centaine le nombre de grands ensembles labellisés en France. Parmi eux, nous pouvons citer le grand ensemble de Sarcelles en Île-de-France, la cité des Courtillières à Pantin ou la cité de l’Étoile à Bobigny.
Depuis 2003, l’État impose aux villes des politiques de démolition-dispersion qui permettraient la résolution des problèmes sociaux. Toutefois, cette destruction n’est pas toujours justifiée car, au-delà de leur dimension culturelle, ces mesures entraînent la disparition de logements pouvant accueillir la frange la plus démunie de la population.