La ville devient sensorielle
L’urbanisme se penche sur le bien-être des citadins en prenant en compte leurs cinq sens, leurs perceptions dans la conception de leurs espaces urbains.
En ces temps où la ville subit de plein fouet la crise de la Covid-19 et son cortège de mesures restrictives, certains en oublieraient presque qu’elle est l’espace de vie de millions d’habitants en France. Et que cet espace de vie se doit de contribuer au bien-être de ses habitants.
Pourtant, les urbanistes le savent bien. Et à l’heure des Smart City pilotées par données digitales, la tendance est à privilégier l’humain et ces cinq sens. Cet urbanisme sensoriel intègre en effet les sensations, mais aussi les perceptions et émotions dans sa conception des espaces urbains. Ce nouvel urbanisme cherche à tirer parti de l’expérience pluri-sensorielle de nos villes, tant au niveau des bruits, des textures, des couleurs que des odeurs.
Une ville sensorielle sera donc conçue pour privilégier la qualité de vie, la santé et le bien-être de ses habitants, et leur offrant un meilleur contact avec leur environnement.
L’urbanisme sensoriel marque le retour du corps humain dans la ville. « On ne se débarrasse pas, même au nom de la révolution globale en cours, du réel, du corps et du désir d’habiter dans un lieu, du corps à corps avec le monde” selon l’urbaniste Olivier Mongin.
Des ateliers de diagnostic sensoriel
Pour ce faire, certains cabinets d’urbanisme intègrent des profils variés : scénographes, designers, artistes, acousticiens, chercheurs en sciences cognitives… afin de rendre la ville plus sensorielle.
L’agence (S)CITY a conçu un outil de diagnostic sensoriel utilisé lors d’ateliers « La Rue ». Les participants sont invités à analyser leurs perceptions visuelles, olfactives, auditives et tactiles associées à un espace urbain. A l’issue de ces ateliers, guidés par l’équipe, ils sont invités à élaborer des recommandations pour favoriser les ressentis positifs et diminuer les ressentis négatifs : mobilier urbain, aménagement paysager, installations lumineuses ou artistiques, signalétique…
Dans son livre blanc 2.0 réalisé par le Conseil national de l’Ordre des architectes, le Dr Suzanne Déoux traite du thème de « l’urbanisme responsable et étique pour la santé de tous. » Elle y aborde par exemple l’importance de l’audition, qui permet une localisation spatiale dans toutes les directions, là où la vision ne concerne que ce qui est devant l’individu. Les bruits ont donc leur utilité, faisant office de repères. Et la géométrie des lieux, des volumes, les surfaces et matériaux jouent un rôle dans la qualité sonore de l’espace public. Des zones plus calmes en centre-ville permettent bien-être et ressourcement.
Un projet pour les malvoyants
Cette prise en compte des sens peut s’avérer précieuse pour améliorer l’accessibilité de la ville aux personnes handicapées. C’est l’idée qu’a eue Amélie Péron, étudiante en deuxième année de master City à l’Ecole du design Nantes Atlantique. Dans le cadre de son projet de fin d’étude, elle s’est intéressée aux non-voyants et malvoyants. Son projet comporte trois axes majeurs, celui d’informer l’usager sur son environnement, celui de le protéger en zone dangereuse, le troisième axe intégrant les besoins de tous les usagers. Elle a ainsi conçu « Palette », un dispositif sensoriel qui s’adapte sur les potelets des trottoirs. La texture et la couleur permettent d’avertir l’usager du niveau de danger. Des dispositifs facilitant l’orientation seraient intégrés. Enfin ce dispositif peut, par son côté ludique, aider l’enfant en bas âge lors de son apprentissage de la ville.
Cet urbanisme sensoriel, qui connaît un intérêt croissant, offre donc une nouvelle vision de notre rapport au monde urbain. Il va de pair avec les tendances des jardins potagers partagés, du compostage urbain, en prenant en compte le besoin des citadins de retrouver un mode de vie plus proche de la nature, moins stressant, et plus favorable à la santé et au bien-être.
Photos : demainlaville.com et telerama.fr