Grand Paris: les centres commerciaux se vident mais se multiplient
Les centres commerciaux sont originellement pensés pour être un temple à la déesse consommation. Une sorte d’incarnation suprême du capitalisme effervescent et rentable. Pourtant dès que l’on sort du périphérique, les fidèles semblent fuir. Et ce malgré les belles promesses des élus locaux et des sociétés d’immobiliers commerciaux.
Le Grand Paris n’est pas Paris
L’idée derrière la création de ces nombreux centres commerciaux en banlieue parisienne était simple. Logique même ! Si une ville comme Aubervilliers dispose d’un centre commercial aux portes de Paris, elle attirera les salariés de la capitale en semaine puis les familles vivant dans la commune durant le week-end. Après tout, « traverser le périph, ce n’est pas la mer à boire, si? »
« Si ! » C’est la dure réalité avec laquelle doit composer le Millénaire. Centre commercial situé à 15 minutes de marche de la station RER E Rosa Parks, ses clients doivent emprunter la passerelle surplombant la ceinture de Paris pour aller faire leurs courses. Une frontière que les clients parisiens ne souhaitent pas franchir. Ajouté à cela la présence d’un autre centre commercial Le Parks entre la gare et Aubervilliers, et le Millénaire n’a jamais pu obtenir une zone de chalandise solide. Résultat : les commerces ferment les uns après les autres diminuant encore plus l’intérêt des clients potentiels.
Un autre avantage (théorique) à la multiplication de centres commerciaux en banlieue : la création d’emploi principalement chez les jeunes. Cette fois, la promesse semble être tenue mais uniquement à court terme. Avec le Millénaire, la Maison de l’emploi d’Aubervilliers était enthousiaste lors de l’inauguration du centre commercial en avril 2011. Sur la totalité des enseignes installées, on comptait environ 45 % de recrutement local. Une jolie réussite qui faisait la joie d’un organisme qui a déchanté depuis. Puisque le centre commercial manque de clients, les boutiques ferment et donc les CDD ne sont pas renouvelés. Logique implacable de monde de l’entreprise.
Trouver d’autres moyens d’être attractif
Malheureusement, le Millénaire d’Aubervilliers n’est pas le seul centre à la peine. Ivry Grand Ciel, La Vache noire, Okabé… même constat! À Bry-sur-Marne, les Armoiries (également inauguré en 2011) a joué sur un autre tableau pour s’assurer le remplissage du centre : coupler le centre commercial à ciel ouvert avec le magasin Ikea via un parking en commun. Une autre fausse bonne idée.
Tout d’abord, pourtant prévu dans le projet initial, les commerces n’ont pas obtenu l’autorisation d’ouvrir le dimanche contrairement à ses voisins Bricorama et Ikea. Pire encore, les clients d’Ikea n’ont tout simplement pas envie de prolonger leur session shopping. La raison invoquée : après avoir parcouru les milliers de m² du géant suédois, charger les cartons dans la voiture… pas envie de retraverser le parking pour aller flâner dans la galerie marchande d’à côté. D’autant plus qu’il reste encore à monter les meubles !
Les centres commerciaux continuent pourtant de pousser
Depuis 2010, l’Île-de-France a connu 24 inaugurations de centres commerciaux. En 2016, ce sont 218 malls occupant quelques six millions de m² qui s’affrontaient pour attirer le client du Grand Paris. Et les agglomérations parisiennes continuent d’étudier de nouveaux projets de centres commerciaux!
Car malgré le manque flagrant de clients, les boutiques qui ferment, le silence qui règne dans les allées, les centres commerciaux ne ferment pas et, au contraire, se multiplient.
En effet les projets continuent d’obtenir le soutien des élus municipaux qui préfèrent voir le verre à moitié plein plutôt que le centre commercial à moitié vide. «Si le centre n’est pas plein, le Auchan d’Okabé ne fait pas non plus partie des 21 hypermarchés que la maison mère vient de décider de fermer», argumente l’ancien député-maire de Kemlin-Bicêtre Jean-Luc Laurent.
Surtout, les constructions de centres permettent d’éviter les friches urbaines. L’inauguration d’Okabé, par exemple, a permis de remplir un terrain de 11.000 m² laissé par les usines de charcuterie Géo. À Arcueil, le centre de la Vache noire présentait le même avantage pour l’ancien maire Daniel Breuiller: «Notre motivation n’était pas d’accueillir un centre commercial mais de développer un quartier en place de la friche Thomson qui représentait la première taxe professionnelle de la commune et laissait une très grande parcelle.»
Certes un centre commercial à moitié vide est souvent préférable à une friche. Et si les bailleurs continuent d’en ouvrir de nouveaux chaque année, c’est bien parce qu’un centre à moitié plein suffit à être rentable. Sauf pour les commerçants. Et si les grandes enseignes telles que la Fnac ou Orange peuvent se permettre un risque calculé auquel ils sont habitués, ce n’est pas forcément le cas d’un commerçant indépendant qui aura misé toutes ses économies sur de fausses promesses.
Sources des photos : contrevues.paris / parisenmetro.com/ flick.fr