Panmela Castro, un street art dévoué à la cause des femmes
Sur le mur de la favela, le dessin d’une femme aux lèvres pulpeuses et aux formes généreuses attire immanquablement le regard des passants. De ses beaux yeux coulent pourtant des larmes de sang. Cette œuvre fait partie des dizaines de peintures signées Anarkia Boladona, nom d’artiste de cette brésilienne de 35 ans, militant inlassablement pour la cause féminine.
Défense et illustration du droit des femmes
Depuis plus de quinze ans, Panmela Castro arpente sans relâche les rues de Rio afin de transmettre son message. Cette militante a très tôt choisi son combat et cela par la force des choses : victime de violences au sein de sa famille, la jeune artiste n’a de cesse de se battre pour que le droit des femmes soit enfin reconnu et appliqué. Ses œuvres sont capables d’être, selon son humeur, d’une douceur acidulée ou d’une violence extrême rappellent que, chaque jour, au Brésil et partout dans le monde, des femmes sont victimes de mauvais traitements et que, parfois, elles en meurent.
Panmela Castro : enfance de l’art
Son père, selon ses propres dires, était un « ignorant et un machiste ». Ce milieu familial très conservateur s’avérait lourd et étouffant. Pour exprimer sa rébellion, l’adolescente issue des quartiers désœuvrés tague le mot « anarchie » (Anarkia) sur les murs de Rio. Son attitude d’alors, colérique et indocile, lui vaut quant à elle le surnom de « Boladona ». Son nom d’artiste était né.
Incontestablement douée pour le dessin, la jeune femme se tourne alors vers les Beaux-Arts sans pouvoir se conformer aux règles strictes imposées par ses enseignants. La rue lui laisse carte blanche et c’est sur ses murs que son talent peut librement mûrir et s’exprimer. Avec toutefois des limites : si le milieu des graffeurs se révèle plus ouvert, elle n’en demeure pas moins l’une des rares femmes à faire partie de sa bande d’artistes. Elle décide alors d’abandonner le simple tag pour se lancer dans la fresque murale, seule capable, selon elle, de véhiculer un message fort : la défense du droit des femmes.
Placer le corps féminin au cœur du paysage urbain
Ses activités ne se cantonnent pas à la peinture : Panmela Castro utilise aussi la photo et la vidéo. Ses performances ne tardent pas à la faire remarquer, d’abord à Rio puis dans tout le Brésil et enfin à l’international. Des associations et des municipalités font appel à elle. C’est ainsi que l’on peut croiser ses œuvres à Berlin, Toronto, Johannesburg, Istanbul, Lisbonne, Bogota, Prague ou Washington.
Toutes ses fresques n’ont qu’un thème : la femme. En 2012, seules deux Brésiliennes figurent dans le classement Newsweek des « 150 femmes qui font bouger le monde » : elle-même et l’ex-présidente Dilma Rousseff. Les prix internationaux qui se succèdent la confortent dans son combat. En 2011, elle fonde Rede Nami, une association promouvant les femmes artistes. En parallèle, des ateliers de sensibilisation sont créés, instruisant les femmes sur leurs droits et la manière de les revendiquer.
Un engagement sur le long terme
Car trop nombreuses sont celles qui se taisent par peur, par honte ou par absence d’interlocuteur. Ce fut longtemps le cas de Marinha da Penha. Martyrisée, rendue paraplégique suite à ses mauvais traitements, laissée pour morte par un mari ayant tenté de l’électrocuter, cette femme brisée a bataillé durant plus de 20 ans pour que les violences domestiques soient enfin prises en compte par la justice. Porte-étendard de la lutte des femmes, cette passionaria a donné son nom à la loi de 2006 qui porte son nom. Mais les mentalités n’évoluent que très lentement dans un pays qualifié de « misogyne » par l’éducatrice Viviana Santiago en charge de l’ONG Plan international. Cette dernière dénonce aussi la censure exercée par une église catholique toute puissante.
La société brésilienne devra se réformer, aidée en cela par le travail au long cours de Panmela Castro. Sur toutes ses œuvres figure, bien visible, le numéro 180, qui est celui dédié à la prise en charge des femmes maltraitées.