Vincent Callebaut, l’homme qui construit le futur
En proposant son concept d’« archibiotique », le jeune architecte Belge Vincent Callebaut imagine des créations inédites qui donnent envie d’habiter le futur.
Un bâtiment en forme d’aile de libellule de 300 mètres de hauteur. Un nénuphar géant flottant sur l’eau et hébergeant 50 000 habitants. Un quartier entièrement recouvert de végétation. Les projets de Vincent Callebaut ne manquent pas d’audace. Un avant-gardisme qui lui a valu des débuts difficiles, les institutionnels ne considérant ses créations que comme des exercices de style ou des utopies de science-fiction. Ses projets ne rapportant aucun appel d’offres en France, ni en Europe, Vincent Callebaut a su convaincre l’Asie du bien-fondé de sa vision, et l’un de ses bâtiments sera livré dès 2016 à Taiwan.
« Je n’ai aucun atout à la base »
Né en 1977 à Louvière, en Belgique, d’un père informaticien et d’une mère infirmière, le jeune homme obtient son diplôme en 2000 à l’Institut Supérieur d’Architecture de Bruxelles, en même temps que le Grand prix René Serrure. Puis vient s’installer à Paris avec l’envie de « défoncer les murs ». Passionné par l’écologie et les nouvelles technologies, ses idées murissent et il invente un concept transdisciplinaire qu’il nomme « archibiotique ». Son objectif est de mêler à l’architecture les biotechnologies et les nouvelles technologies de l’information afin de transformer un bâtiment en véritable écosystème vivant. Pour illustrer son concept, il imagine alors toute une série de projets, certains tenant de la pure spéculation, d’autres entièrement réalisables et prêts à être construits. Tous tiennent compte de la crise écologique ainsi que du contexte mondial : évolution démographique, urbanisation de la population, pénurie énergétique, développement économique et industriel.
Structures à énergie positive
Le défi de l’architecture du futur sera de construire des bâtiments qui non seulement n’impacteront pas l’environnement, mais qui pourront en plus créer des ressources, tant énergétiques qu’alimentaires. Pourquoi ne pas imaginer des cultures au sein d’un immeuble, des jardins potagers, des rizières, des bassins aquacoles ? Si les créations de Vincent Callebaut ne permettent pas, en l’état, d’atteindre une autosuffisance alimentaire, peu importe : « Il faut viser la lune pour atterrir dans les étoiles », déclare l’architecte, qui a bien conscience qu’un concept ne peut s’améliorer qu’à partir du moment où il a été mis en œuvre.
Tous ses projets visent en tout cas l’autonomie énergétique, par l’utilisation d’éoliennes et de panneaux solaires de dernière génération. Le recyclage des déchets s’effectuerait grâce à des biomasses, à des zones de compostage, ainsi qu’à des lagunes de phytoépuration. Si tous les architectes contemporains intègrent désormais le développement durable à leurs réalisations, aucun ne le pousse aussi loin que Vincent Callebaut.
Du rêve à la réalité
Longtemps considérés comme des manifestes peu réalisables, les projets de Vincent Callebaut ont trouvé un écho à l’international, loin d’une Europe encore frileuse en matière d’innovation architecturale. Ainsi, trois de ses créations sont actuellement en cours de réalisation. A Haïti, un permis de construction a été délivré l’année dernière pour la mise en chantier de Coral Reef, 1000 maisons passives, végétalisées, et dont les occupants pourront bénéficier d’un jardin suspendu. Autre commande décrochée l’an dernier, pour la ville de Shenzhen, en Chine : le concept Asian Cairns, qui produira plus d’énergie que ce qu’il n’en consommera. En y rassemblant espaces de production, de travail, de commerce et de résidence, l’architecte entend éviter les erreurs produites dans les décennies précédentes, lorsque l’architecture participait au cloisonnement des quartiers, des activités et de ses habitants. Enfin, l’Agora Garden est le projet le plus abouti de Vincent Callebaut, puisque sa construction a démarré depuis deux ans à Taiwan, et que le chantier sera livré en 2016. Tour écologique répondant à la certification environnementale la plus stricte au monde, cette structure de 45 000 m², qui reprend la forme de la double hélice de l’ADN, abritera 40 appartements modulables de haut standing. L’immeuble abritera des potagers et des vergers qui approvisionneront les résidents, et une pergola en panneaux solaires recouvrira le toit.
« Réinventer les modes de vie de demain »
Toutes les créations du cabinet Vincent Callebaut, menées conjointement avec des équipes scientifiques, s’inspirent de la nature et utilisent les principes du biomorphisme et du biomimétisme. Structure ADN pour Agora Garden, nénuphar d’Amazonie pour la structure offshore Lilypad, ou aile de libellule pour le projet Dragonfly. Pour Vincent Callebaut, la ville de demain sera dense, verte et connectée. Une « écopolis », en opposition aux cités actuelles, étalées et énergivores. L’architecte fustige la politique de développement horizontal des villes européennes, et de Paris notamment, qui constitue selon lui une erreur. Seule la généralisation de structures verticales constituerait une réponse à la croissance des villes, qui abriteront les deux tiers de la population mondiale d’ici quinze ans. C’est pourquoi la vision de Vincent Callebaut trouve plus d’écho dans les pays à forte croissance économique et démographique, où les centres-villes doivent être réaménagés et où de nouvelles agglomérations doivent être construites.
Reconnaissance internationale
Avec à son actif plus de quarante projets, Vincent Callebaut cumule depuis une dizaine d’années prix et récompenses internationales, et fait l’objet de monographies, la plupart éditées en Asie. L’architecte songe d’ailleurs à ouvrir un cabinet sur le continent asiatique, et des opportunités de contrats en provenance de la Chine, des Emirats Arabes Unis et de l’Amérique du Sud sont envisagées. De quoi asseoir un peu plus la renommée d’un architecte qui, à 36 ans, n’a pas fini de faire parler de lui.