Des villes-entreprises pour supporter la croissance des géants des hautes technologies
Les industriels ont fortement influencé l’urbanisme des villes. Certaines se sont même développées autour d’une seule entreprise qui pour sa part organisait la vie de ses salariés et de leurs familles et leur offrait un certain nombre de prestations sociales et autres avantages. Ce modèle que l’on trouve encore autour de groupes comme Samsung ou Toyota, était en déclin en Occident. Il connaît une résurgence sous une forme moderne autour des entreprises de hautes technologies soucieuses d’attirer les meilleurs talents au sein de leurs centres d’innovation.
Très courante au début du XXe siècle, la ville entreprise était le reflet du paternalisme de l’employeur qui garantissait à ses salariés des logements et des soins de santé et construisait, entre autres, des écoles, des librairies et des équipements sportifs. Améliorer les conditions de vie des employés garantissait la paix sociale en les éloignant des mouvements syndicaux. Sur ce modèle, on a vu par exemple se développer Clermont-Ferrand grâce à Michelin, Toyota City autrefois appelée Koromo ou Détroit autour de Ford et General Motors.
Émergence de villes entreprises 2.0
Aujourd’hui la « Motor Town » n’est plus que l’ombre d’elle-même et Michelin n’est plus l’employeur protecteur qu’il fut jadis. Ce modèle d’utopie patronale a périclité aux États-Unis suite au New Deal de Roosevelt permettant un accès plus simple à la propriété, mais a perduré dans l’Europe d’après-guerre sous une forme simplifiée. Il a connu un nouveau souffle dans une Asie en plein développement ; on a en image la ville-usine de Foxconn en Chine ou de Suwon, la Samsung City, bâtie sur le modèle de Toyota.
Le modèle de la ville entreprise jusqu’alors en déclin en Occident semble réapparaître. C’est du moins ce que suggère un groupe d’architectes de Boston. Ces Company-Town 2.0 émergent autour des centres de recherche des géants de l’Internet et des nouvelles technologies. Pour attirer les meilleurs talents, ces employeurs doivent se montrer attractifs et multiplier les « Perks », des avantages en nature. Le logement est un argument de poids, alors que son coût explose, notamment près de la baie de San Francisco et de la Silicon Valley, où se concentrent ces entreprises.
Apple Campus et Zee-Town de Facebook
Le campus Apple occupe 60 % des terres de Cupertino, autrefois couvertes de vergers. Apple génère 15.000 emplois et garantit un niveau de vie élevé pour une ville d’un peu plus de 50.000 habitants. À l’image du nouveau campus d’Apple, un bâtiment circulaire dessiné par Norman Foster, les sièges de géants de nouvelles technologies se veulent être des expériences en immersion totale. Les employés évoluent dans des espaces adaptés à la réalisation leur créativité et trouvent tout ce dont ils ont besoin sans trop s’éloigner de leur bureau.
Avec son projet de « Zee-Town », Facebook espère aller encore plus loin et construire une petite ville pouvant accueillir 10.000 habitants à Melo Park en Californie. Réparti sur une surface de 80 hectares, l’ensemble dessiné par Franck Gehry, architecte du musée Guggenheim de Bilbao, comporte notamment des logements de différents standings ainsi que des commodités comme des supermarchés, piscines, navettes… Mark Zuckerberg souhaite intégrer Facebook dans la communauté mais aussi devancer Google et Apple dans la course à l’embauche des ultra-qualifiés.
Une élite sanctuarisée ?
Alors que les villes-entreprises traditionnelles logeaient en majorité des cols bleus, les projets comme celui de Facebook s’adressent aux ingénieurs. Aussi certains leur reprochent un isolement d’élites, coupés des réalités sociales et économiques de la majorité, maintenant les entreprises déconnectées de la société civile. D’autres pensent que cette concentration pourrait être même contre-productive ; la création naît de la variété d’environnement dans lequel évolue l’individu. Croiser à longueur de journée des profils similaires au sien laisse peu de place à l’inattendu et aux à la nouveauté.
Les villes-entreprises 2.0 diffèrent des modèles traditionnels tant sur le fond que sur la forme et s’inscrivent surtout dans la lignée des campus universitaires et leur concepts de vie en communauté. Leur création est bien moins paternaliste que stratégique. Dans un secteur ou l’innovation est la clé du succès, attirer les meilleurs ingénieurs est vital. Ces derniers, contrairement aux cols bleus du début du XXIe siècle sont en position de force. Ces villes répondent à un problème que leurs fondateurs créent en occupant des surfaces gigantesque en faisant gonfler un bulle immobilière.