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Vermibus dissout la pub

Ecœuré par le monde de la communication dont il est issu, l’artiste Vermibus défigure les affiches publicitaires des villes à coups de solvants.

Etre photographe de soirées people et être payé pour effacer de ses photos les gens au physique trop disgracieux pour les canons de la presse, puis se faire licencier parce que l’on est soi-même pas assez beau pour représenter sa société lors desdites soirées: c’est l’expérience pour le moins absurde et traumatisante qu’a subie l’artiste espagnol Vermibus en 2010. En est née chez l’artiste, une certaine rancœur transcendée en une réflexion plus large et un activisme artistique anti-pub radical.

Défigurer les icônes de nos rues

Aujourd’hui basé à Berlin, le street-artiste sillonne depuis quelques années les rues européennes afin de subtiliser les affiches publicitaires omniprésentes – de préférence liées à la mode ou aux parfums – et de modifier à l’aide de solvants les chairs et les visages des sublimes top-modèles représentés, les transformant ainsi en zombies repoussants tout droit sortis des pires films d’horreur. Après quoi il remet discrètement les affiches en place suscitant l’étonnement, l’émoi et, dans le meilleur des cas, la réflexion des passants sur cette beauté artificielle et trafiquée qui nous est assénée à chaque coin de rue, à chaque page de magazine, à chaque spot de pub. C’est en tout cas ce qu’il espère susciter par ces actions : « le corps est devenu un produit comme un autre, dit-il, les agences de publicité définissent leurs propres standards. Mes affiches prennent par surprise, car si les gens voient quelque chose de différent, ils vont commencer à s’interroger ».

Street Art et art-ctivisme

Vermibus trouve ses influences dans le graffiti, à l’instar d’artistes contemporains comme l’Italien Hogre ou le Français Zevs, qui étrillent eux aussi les codes de la grande consommation dans leurs créations urbaines. Mais on peut également y déceler un lien de parenté avec les artistes affichistes des années 60-70 comme Raymond Hayns qui torturaient eux aussi des affiches publicitaires pour en tirer des œuvres abstraites. Les visages de chair tuméfiée de Francis Bacon ne sont pas loin non plus.

L’espagnol s’engage cependant dans une démarche activiste dépassant la seule expression artistique. Il est notamment le fondateur du No-Ad Day, lors duquel son organisation retire purement et simplement de l’espace public autant d’affiches publicitaires que possible, sans les remplacer par quoi que ce soit, ceci la veille du Black Friday, cette grand-messe de la surconsommation poussée à son paroxysme.

Extension du domaine de la lutte

Vermibus se tourne aujourd’hui également vers la réalisation de vidéos décrivant des interventions plus ciblées, comme lors des Fashion Week de New York, Paris ou Milan, ou encore In Absentia, dans laquelle il met en scène le métro parisien agrémenté de ses œuvres. Il a même mis en ligne un véritable tutorial afin d’expliquer comment forcer les panneaux publicitaires et en subtiliser le contenu, affirmant ainsi encore un peu plus son militantisme.