Taxi vs VTC un road movie bien français !
Après l’opération coup de poing des taxis en janvier 2013, le gouvernement a plaidé en leur faveur et s’apprête à imposer un délai de 15 minutes entre la réservation et la prise en charge du client aux sociétés de VTC (Véhicules de Tourisme avec Chauffeur). Ces sociétés comme Über, Le Cab ou SnapCar, Voitures jaunes et bien d’autres nouvelles enseignes, se voient sévèrement pénalisées. Les taxis craignent pour leur avenir et crient à la concurrence déloyale face au succès grandissant des VTC. La guerre est déclarée ! Enquête !
Ce dispositif signé Benoît Hamon, inclus dans le projet de loi sur la consommation et présenté la semaine dernière au Sénat, « c’est la mort » commente le fondateur de Voitures jaunes, Mathieu Guillarme, sur Europe 1. C’était sur un ton similaire que Jean-Marc Sibade, président d’Easy Take, dans sa lettre ouverte au gouvernement, réagissait aux deux années qui avaient vu naître pas moins de quatre décrets concernant les VTC.
Si le statut des taxis en France est très réglementé, le législateur a-t-il pour autant intérêt à brider le développement récent et prometteur des entreprises de VTC ?
Depuis les taxis de la Marne, quoi de neuf ?
En 1937, en période de crise économique, pour faire face au trop grand nombre de taxis, le gouvernement mit en place un système de numerus clausus, toujours actif aujourd’hui. Il y a de fait en France beaucoup moins de taxis par habitant que dans de nombreux autres pays. A Paris, ils sont aux alentours de 18 000, ils étaient 32 000 75 ans plus tôt !
En 2008, Parmi les 316 points du rapport de Jacques Attali, l’un était consacré à la réforme des taxis. Les grèves de taxis qui suivirent firent vite oublier au gouvernement de s’y intéresser. « Les taxis, en tous cas les salariés et les propriétaires de plaques, et ils le reconnaissent aujourd’hui, me le disent, auraient eu tout à gagner à approuver et promouvoir mes propositions », confie Jacques Attali dans L’Expansion.
En 2009, une nouvelle profession marque le bitume de son empreinte, les VTC.
Alors que paradoxalement les utilisateurs se plaignent du manque de taxis disponibles aux heures de pointe, les VTC se sont très peu développés dans l’Hexagone et plus particulièrement à Paris si l’on considère le franc succès qu’ils rencontrent dans d’autres grandes villes comme New York ou Londres.
Toutefois, depuis 2009, année pendant laquelle le nouveau statut de voiture de grande remise a été défini sous le terme véhicule de tourisme avec chauffeur (VTC), on est passé de 0 à plus de 2000 véhicules de ce type.
La start-up américaine, Über, est à l’origine de l’expansion de ces voitures privées à Paris, Lyon et Marseille. Plus récemment, de nombreuses entreprises françaises ont rejoint la partie comme SnapCar, Club Chauffeur, Chauffeur Privé, Voitures Jaunes, etc.
VTC, une concurrence déloyale ?
Chauffeurs de taxi et de VTC doivent être tous deux détenteurs d’une carte d’aptitude. Mais lorsque les taxis doivent payer leur licence, celle-ci peut s’élever à 250 000 euros. Ces licences peuvent toutefois être revendues. Les VTC, jouissant d’un statut différent, ne s’acquittent que de 100 euros pour exercer bien que de nombreux décrets viennent régulièrement compliquer l’exercice de leur profession (obligation de formation, présentation de titres de réservation, etc.).
Si un taxi bénéficie de zones d’arrêts spécifiques et de la possibilité de prendre un client pratiquement n’importe où, une voiture de tourisme avec chauffeur n’a pas le droit de prendre un client « à la volée », ni à une borne et doit être en mesure de présenter un bon de commande pour chaque course. Idem dans les gares ou les aéroports où elle ne peut pas attendre de clients sans réservation. La commande d’une voiture avec chauffeur ne s’effectue que depuis votre téléphone, smartphone ou ordinateur. En cela, les deux activités se distinguent fortement, on ne peut dès lors à proprement parler de concurrence déloyale.
Le succès rencontré par les VTC tient probablement en partie au fait que le paiement s’effectue en ligne, par carte – le tarif est connu à l’avance – et que le service est plutôt rapide. De plus, le standing des véhicules diffère. De type « VIP », les véhicules VTC sont généralement plus prestigieux et particulièrement soignés. La loi leur impose par exemple, pour éviter de faire du « low-cost » et d’entrer davantage en concurrence avec les taxis, une puissance moteur de 120 chevaux minimum, un paradoxe à l’heure où l’écologie est censée faire partie des préoccupations du gouvernement.
Des voitures disponibles 10 minutes après appel
Les chauffeurs sont réputés pour leur courtoisie et bouteilles d’eau, tablettes numériques ou autres accessoires technologiques font souvent partie des équipements proposés à bord de leurs voitures. Bien que quelques taxis peuvent se targuer d’offrir un confort équivalent, la majorité pâti d’une image dégradée, en particulier à Paris. En ligne, bien que déjà convaincus d’offrir un bon service, de nombreux sites de VTC permettent à leurs clients d’attribuer une note pour la qualité de leur prestation.
Certaines sociétés de VTC se targuent d’arriver en moyenne en 10 minutes après appel, voire moins, ce qui, au vu de la nouvelle loi que leur réserve le gouvernement risque de devenir un argument obsolète. « Fixer un délai de 15 minutes aux VTC revient à nous empêcher artificiellement d’être réactifs», répond Yan Hascoët, le fondateur de Chauffeurprive.com, au Figaro.
Généralement plus chers que les taxis, les VTC sont disponibles rapidement, n’importe où et à n’importe quelle heure dans les grandes villes et vous garantissent un très bon niveau de confort et de sécurité. Ils comblent de fait certaines lacunes des taxis. Ces derniers ont peut-être remarqué leurs propres lacunes trop tard, faute de concurrence ? À qui met-on donc des bâtons dans les roues ?
15 minutes pour gagner quoi ?
Avec cette loi des 15 minutes, le gouvernement penche en faveur du plus grand nombre (55000 taxis en France). Certainement par crainte de routes bloquées, mais aussi de municipales ratées en 2014 ? Quant à la façon de contrôler ce délai, cela reste un mystère… Même le patron de SnapCar, Dave Ashton et celui des taxis G7, Nicolas Rousselet, ne nous permettent pas d’y voir clair dans leurs lettres ouvertes envenimées.
Les taxis, en particulier parisiens, sont régulièrement et diversement critiqués (la plupart se cantonnent aux aéroports, se font rares aux heures de pointe, ne proposent pas de paiement par carte, etc.), en dépit, notamment, de la création d’une file de taxis sur l’autoroute A1 visant à faciliter le retour de l’aéroport de Roissy.
À l’opposé, les VTC semblent séduire un nombre croissant d’utilisateurs, pas seulement riches ou branchés. Ils créent aussi de plus en plus d’emplois, surfent sur la vague des technologies et proposent une formule différente qui n’occulte que partiellement le rôle du taxi traditionnel qui jouit toujours exclusivement de son droit de prendre le client qui le hèle dans la rue.
A New York chacun fait son métier. Les taxis jaunes s’occupent des rues, les voitures avec chauffeur se chargent des réservations. A Londres, les black cabs jouissent de la possibilité de prendre des clients dans la rue ainsi que des réservations, face à eux, pas moins de 60000 voitures privées se partagent d’autres usagers par réservation. La ville de Paris est classée à la 17ème place du classement mondial des taxis 2012 par hotels.com, tandis que Londres et New York sont respectivement assignées aux 1ère et seconde places.
Le soutient d’un lobby contre l’esprit d’entreprise
Il serait intéressant que le législateur français se penche sur la façon dont il pourrait amener les taxis à s’adapter à leur époque plutôt qu’à freiner les ambitions de concurrents qui ne semblent pas tomber à court d’idées. Concurrence ou concurrence déloyale, le lobby des taxis choisi le vocabulaire qui lui plaît pour défendre son terrain. Mais ce que ce lobby a le plus à craindre est certainement son manque de remise en question pour s’adapter au marché (concurrence et demande).
Avec le soutient manifeste d’un lobby et le sort qui s’acharne contre l’esprit d’entreprise dans l’Hexagone, seule l’Europe à Bruxelles, qui veut libéraliser les professions réglementées en France, pointant du doigt « des restrictions injustifiées », a peut-être encore un mot à dire.
Comme l’imaginait Attali il y a 5 ans, « ouvrir les professions réglementées à la concurrence sans nuire à la qualité des services rendus » est à considérer sérieusement. Quant aux VTC, il leur reste à espérer que les 15 minutes de délai obligatoire ne concerneront pas leur temps d’intervention auprès de clients avec lesquels ils sont en contrat régulier. Mais est-il encore temps ?