Les villes européennes à l’épreuve du tourisme de masse
Le tourisme, acteur majeur dans l’économie mondiale, a contribué à hauteur de 10 % du PIB mondial en 2017. Selon l’Organisation mondiale du tourisme, le nombre de touristes est passé de 60 millions dans les années 1960 à 1,2 milliard aujourd’hui, dont la moitié en Europe. Toutefois, la massification touristique dans certaines régions permise par l’essor des compagnies low-cost et des plateformes d’hébergement en ligne, se fait souvent au détriment des populations locales et du patrimoine historique. On parle alors « d’overtourisme ».
Les effets négatifs du tourisme de masse
L’overtourisme est préjudiciable à tous. Tout d’abord pour les habitants qui sont les premières victimes des destinations prisées par les touristes : hausse des loyers, commerces de proximité transformés en boutiques de souvenirs ou en restaurants, saleté, nuisances sonores, incivilités… Faute de moyens, les habitants, les artisans et les commerces traditionnels sont contraints de déserter les zones touristiques. A titre d’exemple, la population de Venise a été réduite de moitié en trente ans à peine.
Côté visiteurs, le constat est le même. Les infrastructures surchargées et les pièges à touristes omniprésents dégradent de façon très importante les destinations touristiques pouvant même conduire à leur déclin par l’effet « meurtre de la poule aux œufs d’or ».
Les causes de l’overtourisme
La raison la plus évidente à ce phénomène est l’augmentation continue du nombre de touristes alimentée au niveau mondial par une classe moyenne en pleine croissance notamment dans les pays en développement. Selon la Brookings Institution, la classe moyenne mondiale compterait actuellement 3,7 milliards de personnes et s’enrichirait chaque année de 160 millions autres personnes. Parmi les marchés les plus dynamiques, on peut citer la Chine dont le nombre de voyages à l’étranger a connu une augmentation de 1380 % en 15 ans passant de 10,5 à 145 millions et devrait atteindre les 400 millions d’ici 2030. L’overtourisme qu’on observe sur le côté nord du bassin méditerranéen s’explique également par les révolutions arabes qui ont incité les touristes à se détourner du Maghreb et de l’Égypte. Ces flux ne sont pas près de s’arrêter, l’Union européenne prévoit l’arrivée sur son territoire de neuf millions de touristes supplémentaires chaque année.
Des collectifs unis contre le tourisme de masse
Les problèmes liés au tourisme de masse s’intensifient provoquant la colère grandissante des populations locales et la multiplication de mouvements anti-touristes. L’été dernier à Barcelone, on pouvait lire « Tourist Go Home » sur certains murs de la capitale catalane. A Venise, les habitants excédés ont multiplié les manifestations notamment devant les immenses paquebots qui déversent les touristes par millions. Le 26 avril 2018 à Barcelone, 14 villes touristiques du sud de l’Europe ont décidé d’unir leurs forces contre le tourisme de masse en créant une association : le réseau SET (South Europa cities against Tourism). Il s’agit des villes de Venise, Barcelone, Valence, Séville, Palma, Pampelune, Lisbonne, Malte, Malaga, Madrid, Girone, Saint-Sébastien, les îles Canaries et le Camp de Tarragone. Ce réseau veut promouvoir des actions de protestation conjointes pour faire pression sur les gouvernements afin qu’ils « établissent des limites à l’industrie touristique » et même favorisent sa « décroissance ».
Des mesures drastiques pour limiter le nombre de touristes
Afin de réduire les impacts négatifs engendrés par le tourisme de masse, de plus en plus de destinations ont pris des mesures restrictives. Barcelone a été la première à légiférer en 2017 en stoppant les licences délivrées aux nouvelles locations d’hébergements touristiques. Les plateformes Airbnb et HomeAway ont d’ailleurs dû payer des amendes de 600 000 euros pour avoir accepté des annonces de logements qui n’avaient pas la licence nécessaire. A Amsterdam, les taxes touristiques ont été relevées et des restrictions sur les hébergements ont été prises comme la limitation du plafond de locations à 30 jours par an pour les particuliers sur Airbnb. Venise a testé un dispositif de tourniquets à l’entrée de certains secteurs très fréquentés par les touristes pour en réguler le flux. Dubrovnik, en Croatie, qui attire depuis quelques années les fans de la série Game of Thrones (partiellement tournée sur place), a imposé une limite de 4000 visiteurs par jour pour sa citadelle afin de conserver son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
Nul doute que cette liste de mesures pour freiner le tourisme de masse s’étoffera et se généralisera dans les années à venir. La tentation est grande d’augmenter les coûts (billets d’avion, taxes de séjour, frais d’entrée…) avec le risque de créer un monde où les voyages ne seront réservés qu’à la frange la plus riche de la population. Toutefois, d’autres solutions sont possibles comme la proposition de destinations alternatives telles que la North Coast 500, route touristique côtière dans le nord de l’Écosse. La lutte contre l’overtourisme n’en est qu’à ses débuts.