L’échange local est il en train de rendre la ville plus humaine ?
En ces temps où la communication de proximité tend à disparaître, la seule occasion que vous avez de rencontrer vos voisins est sans doute la houleuse assemblée générale annuelle de votre copropriété. Il existe pourtant de nombreuses initiatives pour renforcer le lien entre les habitants d’un même quartier.
Malgré la tendance actuelle à communiquer à outrance et à dévoiler les moindres détails de sa journée sur les réseaux sociaux, les échanges entre voisins et la vie sociale des quartiers et des villages semblent mis à mal. Les échanges se dématérialisent et les relations sociales sont en profonde mutation.
L’isolement est l’un des plus grands maux de notre société. Nous sommes de plus en plus en mouvement, déménageons souvent et de plus en plus loin. Les trajets entre notre domicile et notre travail sont de plus en plus longs. L’accès aux commerces ou à la culture a tendance à se concentrer en centre-ville ou dans des zones commerciales isolées de tout. Les zones d’habitations finissent donc par devenir des espaces dortoirs. Le phénomène n’est pas réservé aux grandes villes. La vie rurale qui a pourtant une réputation de convivialité souffre de plus en plus de cet isolement.
Mais certaines associations croient en un possible renouveau du lien social. Elles créent et mettent en place des initiatives qui redonnent goût à la vie de quartier.
Les systèmes d’échanges locaux (SEL) : de véritables économies parallèles
Vous désirez enseigner le chinois et vous recherchez une baby-sitter ? Les SEL sont la solution qu’il vous faut. Ces systèmes fonctionnent comme de petites communautés autogérées et limitées dans l’espace (à un quartier ou une commune). Autour d’elles s’organisent des échanges de services principalement.
Il n’y a pas d’échange d’argent. Une monnaie fictive est créée, qui correspond généralement à une unité de temps. Ainsi, tous les travaux, toutes les compétences, sont mis sur un même pied d’égalité, et les relations d’échange ne sont pas binaires. Vous ne rendrez pas forcément service à la personne qui vous a rendu service. En plus de permettre d’économiser de l’argent et de rencontrer les habitants de son quartier, les SEL créent de l’activité chez certaines personnes (demandeurs d’emploi, retraités) et leurs permettent de valoriser leurs compétences.
La fête des voisins : un moment de convivialité
Il s’agit sans doute de l’initiative la plus connue et la plus suivie en terme de création de lien social à l’échelle locale. Le principe est simple, sortir dans sa rue chaque dernier vendredi de mai afin de partager nourriture, boissons et discussions avec ses voisins.
Depuis la première édition en 1999, cette initiative, à l’origine parisienne, s’est étendue à tout le territoire français et est même devenue une fête européenne. On estime à plus de 15 millions le nombre de participants en France en 2012.
Les boites d’échanges entre voisins : recyclage et gratuité
C’est de Suisse que nous vient cette récente initiative. L’association Tako a installé dans plusieurs grandes villes de grandes boîtes dans lesquelles les habitants du quartier peuvent déposer des objets dont ils n’ont plus besoin, ou bien à l’inverse se servir de ce qui les intéresse, un peu comme dans une brocante gratuite…
Le principe existe également plus spécifiquement pour les livres via les bibliothèques participatives. Il s’agit soit de véritables bibliothèques implantées dans des lieux de convivialités (bars, restaurants), soit de boîtes à livres installées dans des lieux publics, à l’image de l’initiative américaine « Little Free Library». Un bon moyen de recycler et de créer de l’échange à une échelle locale.
Le co-voiturage : économique et écologique
A voir les embouteillages de voitures sans passager, se rendant chaque jour du même point A au même point B pour emmener leurs conducteurs stressés sur les lieux de leur labeur, on pourrait douter de l’effectivité de nos modes de transport quotidiens. La solution réside peut-être dans le co-voiturage. Pour aller au travail, partir en vacances, le co-voiturage permet de faire des trajets plus nombreux tout en économisant de l’argent et en respectant d’avantage l’environnement, sans parler des belles rencontres que l’on y fait.
Et n’allez pas croire que le co-voiturage est réservé aux jeunes et aux étudiants. Tous les âges et toutes les conditions sociales se mêlent dans les mêmes voitures. Voilà une bonne occasion de faire plus ample connaissance avec ses voisins ou ses collègues.
Un site parmi d’autres proposant de mettre en contact les co-voitureurs : http://www.covoiturage.fr/
Créer du lien, un enjeu social et économique
Créer du lien social à une échelle locale, cela va au delà de la simple idée de partage. C’est aussi créer des ponts entre les générations, prévenir certaines parties de la population de la solitude, anticiper les besoins en termes d’aide à la personne, augmenter les ressources disponibles en savoirs ou en matériel.
Les enjeux sont si grands que des institutions locales (sociétés HLM, communes) investissent dans ce genre de projets. Les entreprises y voient aussi un intérêt. Le co-voiturage notamment est encouragé par certains employeurs qui y voient un moyen de diminuer le stress, réduire les défraiements et favoriser l’esprit d’équipe.