Le projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine » approuvé en première lecture à l’assemblée
Lundi 6 octobre était présenté et approuvé en 1e lecture le projet de loi du ministère de la Culture intitulé « Liberté de création, architecture et patrimoine ». Un projet de loi qui est essentiellement axé sur le renforcement de la liberté de création d’une part, et sur la protection du patrimoine d’autre part.
Comme lors de chaque mandat présidentiel, un grand projet de loi culturelle a vu le jour. Cela après une longue gestation de trois ans, due sans doute au relatif désengagement de l’état en la matière, confronté à des problèmes de finances accrus. Deux grands volets constituent ce projet : la liberté de création tout d’abord, que sont censés venir renforcer un éventail de dispositions législatives allant de l’affirmation formelle du principe fondamental que « la création artistique est libre », tel que le stipule l’article 1, au durcissement des quotas de productions françaises dans les listes de diffusion des radios libres. La protection du patrimoine architectural ensuite, pour lequel le but est notamment de moderniser et simplifier l’arsenal administratif mis en place en 1962 par la loi Malraux.
La liberté de création, entre autres…
Suite à l’attaque perpétrée contre Charlie Hebdo et aux dégradations de plus en plus fréquentes subies par des œuvres d’art comme celle d’Anish Kapoor à Versailles, le gouvernement a souhaité réaffirmer dans le 1er article la liberté de la création comme principe fondamental de la République, sans autre développement et sans énoncer quels seraient les moyens mis en œuvre pour la garantir. Le reste de ce volet de la loi regroupe des dispositions diverses de plus ou moins grande portée : pour la littérature, l’élargissement des éditions adaptées aux personnes malvoyantes ou dyslexiques ; en matière de droits d’auteur, une amélioration de la transparence par le recours obligatoire à des contrats écrits pour la transmission desdits droits ; concernant le droit du travail, la liste des artistes du spectacle est complétée avec les artistes de cirque et les marionnettistes. D’autres dispositions sont formulées au sujet de la remontée des données de billetterie en vue d’optimiser les politiques culturelles publiques ou du renforcement de la transparence des comptes de l’industrie du cinéma.
Le débat sur les quotas radiophoniques
Si ces mesures ont suscité peu d’émotion, si ce n’est au sujet de leur faible coercivité, il en va différemment de celles liées à la production musicale. Il existe en effet en France depuis presque 20 ans une loi obligeant les radios et chaines musicales françaises à diffuser 40% de musique francophone, dans le cadre du fameux principe d’exception culturelle défendu par la France. De nombreuses radios, afin de limiter l’impact de cette disposition sur leur audience, se contentent de diffuser en boucle un petit nombre de titres ayant le plus de succès au box office.
Pour combattre cette pratique, la nouvelle loi prévoit que si dix titres constituent plus de la moitié du répertoire francophone diffusée par une radio, ceux-ci ne seront alors plus comptabilisés dans l’évaluation du respect du quota. En clair, il s’agit de forcer les radios à se diriger vers plus de diversité dans leurs programmes de diffusion. Ces quotas étaient déjà fortement contestés jusqu’alors, et leur durcissement est vécu par les radios privées comme un « scandale liberticide » tandis que les syndicats de producteurs et d’artistes jugent celui-ci nécessaire. Les lectures ultérieures du projet décideront de l’avenir de cette mesure.
Architecture et patrimoine
Il s’agit là du second grand domaine d’application du projet de loi. Une fois encore, différents points sont abordés. Certains articles formulent des mesures en faveur des architectes : le seuil de surface pour lequel il est obligatoire de faire appel à l’un d’eux en cas de travaux passe par exemple de 170 à 150 mètres carrés, et tout bâtiment construit devra porter mention du nom de l’architecte qui l’a réalisé.
La protection du patrimoine reste cependant la préoccupation majeure de ce volet. La notion de patrimoine mondial de l’Unesco est ainsi intégrée dans le droit national. Le patrimoine récent (moins de 100 ans) est lui aussi désormais reconnu : des édifices remarquables et reconnus comme tels ne pourront donc plus disparaitre sans concertation préalable, quelle que soit leur date de réalisation. Le patrimoine étranger pourra lui aussi être protégé par la France dans le cadre de « refuges » en cas de menaces dues à la guerre ou aux catastrophes naturelles.
Mais c’est surtout la création du statut de « cité historique » qui fait parler d’elle. Il s’agit de simplifier la législation existant depuis 1962 en regroupant sous un même label les secteurs sauvegardés, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et les aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine. Certaines voix s’élèvent de crainte que cette simplification ne masque un désengagement de l’Etat et un transfert d’attributions aux collectivités locales.
Le texte de Fleur Pellerin est donc sujet à différentes critiques bien précises, mais c’est aussi le manque de cohérence et d’unité du projet qui est relevé par les secteurs concernés. Les lectures ultérieures du projet détermineront de quelle façon le projet de loi évoluera.