La parole est au béton ! Le plaidoyer de Ricciotti
“Le Béton en garde à vue”, c’est le titre du dernier livre de Rudy Ricciotti, qui vient de paraître chez Lemieux éditeur. Le très médiatisé architecte du MUCEM (musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée), se plaît à manier le verbe comme il aime à modeler le béton, sa matière de prédilection.
Le sexagénaire au charme mi bobo – mi gitan ne boude jamais son plaisir quand il s’agit de parler… d’architecture, entre autres. L’architecte reconnaît « avoir l‘usage des mots”, et plus encore celui de l’écriture. Volontiers provocateur, il revendique “l’incroyable vulgarité de dire ce qu’[il] pense ». Ce qui peut agacer, ou séduire. La cinéaste Laetitia Masson a ainsi choisi de lui consacrer un documentaire, sorti en 2013 : Rudy Ricciotti. L’Orchidoclaste.
Un plaidoyer pour le béton
Après le succès de L’architecture est un sport de combat, paru en 2013, Rudy Ricciotti a donc repris la plume pour une pièce en trois actes, qui met en scène le béton comme sujet principal d’une garde-à-vue. Les débats entre un architecte, un capitaine des gendarmes, et une juge d’instruction sont l’occasion de revisiter l’histoire du béton, et les différentes formes et usages qui l’ont accompagné depuis sa naissance au début du 19ème siècle.
L’architecte n’a jamais caché sa passion pour ce matériau, souvent mal aimé, qui épouse les intentions et formes de ses utilisateurs. Ce livre en forme de plaidoyer est aussi une réflexion sur les traces que laissent l’architecture, et le béton en particulier, dans nos paysages. Un texte plein d’humour et de truculence.
Une vocation née sur les chantiers
Rudy Ricciotti est né en 1952 à Kouba (Algérie) d’un ouvrier italien. Il passe une partie de sa jeunesse à Port-Saint-Louis en Camargue. Son père, maître d’œuvre en bâtiment, l’emmène avec lui sur les chantiers. C’est là que naît la vocation du jeune Rudy. Quelques années plus tard, il fait des études d’architecture à Marseille, ainsi que des études d’ingénieur (Ecole d’Ingénieurs de Genève). Il vit aujourd’hui à Bandol.
Grand prix national d’Architecture en 2006, Rudy Ricciotti compte aujourd’hui parmi les grands avec ses œuvres qui subliment le béton. Il est notamment l’architecte du stade Jean Bouin à Paris, de la passerelle de la Paix à Séoul (Corée), ou encore du philharmonique Nikolaïsaal à Potsdam (Allemagne).
« Lafarge me suce les baskets »
Cette passion pour le béton l’a conduit à s’investir dans l’innovation. Grâce à un partenariat étroit avec la société Lafarge. « Lafarge me suce les baskets. Ils font de la com’à tire-larigot sur mon travail. Je ne leur dois rien. » déclare-il au cours d’une interview au journal Le Monde. Son fils Romain, ingénieur, l’accompagne dans cette recherche en l’aidant à affiner ses expérimentations. Ce qui lui permet de bénéficier de bétons à très hautes performances.
Militant dans l’âme, Ruddy Ricciotti se bat pour la préservation des savoirs et des métiers de la construction : architecte, ingénieur, coffreur, ferrailleurs, Il tient aussi à travailler avec son environnement immédiat. Une raison supplémentaire – s’il en fallait une – qui l’encourage à mettre en avant le béton, qui permet selon lui “ un niveau de développement d’emplois territorialisés et non délocalisables.”
C’est toute la richesse de cette expérience que Rudy Ricciotti partage dans son dernier ouvrage. Un regard original sur ce matériau omniprésent.