Johan Lorbeer, L’homme qui flotte
Depuis Newton, nous savons que la gravité existe et que, pour cette raison, les hommes comme les pommes ne peuvent flotter dans les airs. Pourtant, depuis près de 30 ans, l’artiste berlinois Johan Lorbeer transgresse régulièrement la plus évidente des lois naturelles.
Peu connu en France, cet artiste de 63 ans est très réputé en Allemagne, où il a reçu en 1997 le prestigieux prix Karl-Hofer. Après avoir fait ses classes à l’Université des Beaux-Arts de Nuremberg, Johan Lorbeer parcourt le monde – il vit à New York, à Londres et à New Delhi – avant de poser ses valises à Berlin il y a plusieurs décennies. Aujourd’hui, il expose régulièrement dans les musées et galeries de son pays d’origine.
La lévitation, c’est possible !
Sa spécialité ? Les Still-Life Performances (http://www.johanlorbeer.com/ ) qu’il réalise dans la rue, les gares et autres lieux de la vie quotidienne. Véritable sculpture vivante, Johan Lorbeer se met en scène dans des situations tout à fait banales. Il s’appuie contre un mur en costume de ville, tient un balai à la main en tenue de balayeur ou tape sur un ordinateur assis sur une chaise.
Mais, là où ces scènes deviennent moins ordinaires, c’est que les postures qu’il adopte – parfois, pendant dix heures d’affilées – sont surréelles, étranges et tout à fait impossible à tenir pour un être humain normal. Mais Johan Lorbeer se joue du poids de la gravité ! Qu’il pose sa main sur le mur, qu’il mette son corps parallèle au sol ou qu’il écrive sur une table surélevé, à chaque fois, il semble flotter dans les airs… Comme par magie…
Il ramène l’art à la vie…
L’approche artistique de Lorbeer est de fait très contemporaine. En se libérant des techniques traditionnelles, il fait de la sculpture vivante une forme artistique à part entière, qui réconcilie la stabilité de l’objet avec le souffle de la vie. Surtout, il réussit à sortir l’art des musées pour l’ancrer de plein pied dans la réalité.
Et ça marche ! Du Caire à New York en passant par Cork en Irlande, Johan Lorbeer ramène l’art dans l’espace public. Il développe des situations qui amènent le spectateur à remettre en question l’endroit où il se trouve et, en transgressant ainsi les lois de la nature, il perturbe profondément notre propre expérience de l’espace.
Une aliénation de notre quotidien
Face aux Still-Life Performances de Lorbeer, chacun réagira à sa manière : certains se sentiront irrités face à cette aliénation de leur quotidien ; d’autres seront enthousiastes ; d’autres encore éprouveront une fascination totale pour cette situation hors-du-commun. Ce qui est sûr, c’est que la plupart d’entre nous voudrons entrer en communication avec l’artiste, voire – contre toute règle de bienséance – essaierons de lui toucher les pieds ! Peut-être pour nous assurer que nous ne rêvons pas…
Newton avait raison !
Quitte à en décevoir quelques-uns, nous nous devons de faire ici une petite mise au point scientifique : la gravité reste une loi universelle… Si Lorbeer se tient effectivement au-dessus de la mêlée – les photos ne sont pas des montages –, il ne flotte pas pour autant dans les airs. Il est tout simplement attaché au mur par une structure en bois qui le porte. Que cette explication rationnelle nous conforte ou non dans nos certitudes spatiales, cela ne change rien au fait que Johan Lorbeer nous émerveille à chacune de ses performances, contribuant un peu à ré-enchanter le monde.