Jeff Koons, le marchand de ballon le plus cher du monde
Actuellement exposé au centre George Pompidou à Paris, le sculpteur pop art Jeff Koons ne cesse de faire parler de lui. Ses œuvres absurdes et kitchs ne plaisent pas à tout le monde, et les lieux de leur exposition non plus. Un descendant de Louis XIV a d’ailleurs déposé une plainte pour tenter de faire interdire une exposition au château de Versailles pour « profanation et atteinte au respect dû aux morts ». Autre absurdité selon certains, et non des moindres, le prix de ses œuvres. Jeff Koons est l’artiste vivant ayant la plus haute cote du moment. Ses œuvres se vendent à plusieurs millions d’euros. Un paradoxe lorsque l’on veut dénoncer l’absurdité de la société de consommation ? Pas forcément…
Jeff Koons l’artiste
L’artiste américain néo-pop se distingue par le kitch de ses œuvres. Souvent comparé à Andy Warhol et Marcel Duchamp, Jeff Koons est un artiste polémique. Il est connu pour ses structures gonflables, ou semblant de structures gonflables, telles que le fameux Balloon dog, la représentation métallique d’un ballon de baudruche qui aurait été plié pour prendre la forme d’un chien. La structure de trois mètres de haut, réalisée en plusieurs coloris super chromés est devenue emblématique de son œuvre. Ses structures s’exposent à Beaubourg, au château de Versailles, chez Christie’s, ou encore sur des sacs H&M.
Il dénonce la société de consommation, la rendant absurde, représentant des objets du quotidien mis sur un piédestal. Son œuvre avait d’ailleurs atteint le sommet de l’absurde et de la provocation lors de sa période porno-artistique, période durant laquelle il collabora beaucoup avec son ex compagne, La Cicciolina, alors actrice de films X.
Des jeux d’enfants, un homard gonflable, un bar de voyage, un lapin, Titi, Popeye, ou encore une représentation en porcelaine de Mickael Jackson accompagné de son singe, toutes ces œuvres s’exposent dans les lieux les plus prestigieux de la planète, et surtout attirent les plus grands collectionneurs.
Jeff Koons le businessman
Avec la vente, en 2013, de l’un des célébrissimes Balloon Dog pour près de 50 millions d’euros, Koons devient l’artiste vivant le plus cher du monde.
Jeff Koons est l’illustration par excellence de l’éternel questionnement sur la limite entre l’art contemporain et le marketing artistique.
Même s’il se défend d’être un entrepreneur hors pair, affirmant qu’il « préfère penser (être) un très bon artiste », les méthodes de travail de l’ancien trader en matières première ont tout de celles d’un chef d’entreprise. En effet, lors de la réalisation de ses œuvres, Jeff Koons n’est que l’instigateur, l’inspirateur de ses super structures. Le travail technique et d’ingénierie est réalisé par la centaine de professionnels qu’il emploie dans son usine à rêve, un atelier géant de Chelsea, près de New York.
Mais après tout, lorsque l’on tente de déterminer si une œuvre est art ou commerce, l’intention de l’auteur doit elle à ce point être sacralisée ? Si Koons se défendait d’être un artiste et préférait penser être un très bon entrepreneur, cela suffirait-il à faire basculer son œuvre dans le vulgaire ?
Pourquoi s’offre-t-on un Koons ?
Qu’est ce qui peut faire valoir 16 millions d’euros à une intransportable fleur en acier de 8 tonnes ou 50 millions d’euros à une représentation de ballon rose plié en forme de chien ?
Les acheteurs eux-mêmes. C’est donc comme pour tout marché, la demande qui crée le prix. Après avoir réalisé un objet, il faut le transformer en une œuvre que tout le monde veut acquérir. C’est ce travail de marketing qui transforme un objet du quotidien en œuvre d’art. On pourrait voir l’art contemporain comme n’étant que marketing.
Pourquoi faire plusieurs exemplaires d’une œuvre sinon pour en vendre plusieurs ? Pourquoi à l’inverse limiter le nombre de production, sinon pour en garantir la rareté, la demande, et en justifier le prix ?
Que l’on aime ou non l’œuvre de Koons, qu’on le considère ou non comme un artiste, nul ne pourra nier que transformer une tonne d’acier en 50 millions d’euros, tienne du génie commercial.
S’acheter un Koons pour décorer son jardin, n’est ce pas comme s’offrir une Rolex pour décorer son poignet ou un sac Hermès pour décorer le bras qui le porte ? Le prix de l’objet et sa rareté sont une fin en soi. L’argent est un pouvoir, et le montrer, c’est déjà l’exercer.
L’art de Koons n’est il pas justement là, dans la dénonciation de la société de consommation, la poussant à son paroxysme, faisant perdre toute échelle de valeur, parvenant à faire estimer une sculpture métallique au prix moyen d’un 5000 mètres carrés dans le seizième arrondissement de Paris ?