lilypad

Des investisseurs de la Silicon Valley veulent construire la première ville flottante

Est-ce que l’être humain vivra sur des villes flottantes dans un futur proche ? Si l’idée semble sortir tout droit d’un roman de science-fiction, elle pourrait déboucher sur des réalisations concrètes d’ici quelques années pour accueillir des réfugiés climatiques ou à l’opposé une élite triée sur le volet. Le projet porté par le Seasteading Institute pourrait notamment voir le jour dans les eaux territoriales de la Polynésie française. La première pierre marine de la ville flottante pourrait être posée en 2020 et suivie de réalisations tout aussi audacieuses.

Le mémorandum liant le Seasteading Institute et la Polynésie française doit encore recevoir l’aval d’Édouard Fritch, président de la collectivité d’outre-mer (COM). Restera ensuite au gouvernement polynésien à définir les lois nécessaires à l’encadrement du projet. Tout d’abord, la ville flottante, qui se veut auto-suffisante, sera constituée de deux à trois plateformes grandes comme un demi-terrain de football susceptibles d’accueillir 30 habitants et pour un coût de 30 millions de dollars. Si le projet test s’avère être concluant, alors d’autres plateformes seront ajoutées pour étendre la ville.

L’aspiration libertarienne

Fondé en 2008 par Patri Friedman et Peter Thiel, co-créateur de PayPal, le Seasteading Institute a pour objet de développer des villes flottantes et leurs institutions autonomes. Plus qu’une innovation technologique, le projet se veut être une expérimentation sociale, économique et politique. Patri Friedman, petit-fils de Milton Friedman, est un libertarien affirmé. La ville flottante du Seasteading Institute n’est pas sans rappeler la principauté de Sealand, une utopie libertaire installée sur une ancienne plateforme militaire en mer du Nord et échappant à toute législation britannique.

Pour s’affranchir des lois nationales, la ville flottante doit s’installer dans des zones maritimes non revendiquées par un Etat, ce qui pose des nombreuses contraintes techniques, ou alors dans des zones territoriales prêtées. La Polynésie française voit un intérêt particulier dans le développement du projet du Seasteading Institute car son archipel est menacé par la montée des eaux liées au réchauffement climatique. Dans cette configuration, les villes flottantes seraient encore liées au droit pénal français. Toutefois, elles  pourraient ainsi représenter l’avenir des populations polynésiennes.

L’accueil des réfugiés climatiques

À l’instar de la Polynésie, de nombreux littoraux sont menacés par la montée des eaux et les villes flottantes pourraient fournir une solution d’accueil pour les futurs éco-migrants. Ainsi, Vincent Callebaut, un architecte français a développé Lilypad une cité à même d’accueillir 50.000 personnes et proposant en plus des logements, des zones de travail, de commerce et de loisir. Un tel projet ne verrait pas le jour avant 2100 et devrait être construit en grand nombre pour abriter une partie des 250 millions de réfugiés climatiques.

De leur côté, les autorités chinoises ont donné leur accord pour le développement d’une ville flottante susceptible de répondre à l’explosion urbaine du pays. Dessiné par les architectes du AT Design Office, l’ensemble comprendrait des zones économiques, des fermes, des lieux de divertissement, des parcs et des espaces verts ainsi que des unités de production électrique. Si le planning de construction de la « Floating City » n’est pas encore arrêté, la Chine est passée maître dans les projets d’ingénierie civile audacieux et d’envergure, ce qui rend le projet réaliste.

Une utopie réaliste ?

Habiter sur l’eau est loin d’être une nouveauté ; jusqu’au début des années 1980, Causeway Bay à Hong Kong avait son propre quartier flottant et à Amsterdam, des zones entières sont occupées avec des maisons flottantes. Par ailleurs, des membres du mouvement libertarien ont souvent développé des utopies politiques sur terre comme sur mer. Le « Freedom Ship » devait accueillir 50.000 habitants. Ce bateau aurait dû naviguer sur les mers depuis 2003 et ainsi s’affranchir des législations nationales. Ces initiatives sont parfois vivement critiquées au sein même du mouvement libertarien.

Le projet de villes flottantes du Seasteading Institute se présente comme une utopie pragmatique. Plus ouverte que ses devancières déchues, elle n’en revendique pas moins une certaine forme de gouvernance et une abolition de l’influence des Etats qui serait un frein à la créativité. Sans aide publique et au regard des coûts inhérents à l’entretien d’une telle structure, le ticket d’entrée risque d’être prohibitif et ne permettrait l’accès qu’à une seule élite mondialisée. Dans ces conditions, il n’est pas certain que la population polynésienne y trouve sa place.