Le Havre et Auguste Perret, une histoire de modernité, de béton et de renaissance.
Fondée au 16ème siècle par François 1er, la ville du Havre, bien que relativement jeune a déjà une lourde histoire derrière elle. Par sa localisation stratégique, Le Havre a été dans son histoire le théâtre de conflits plus ou moins importants et a subi de nombreuses mutations. La plus importante à été celle d’après guerre. En 1944, Le Havre n’est plus qu’un champ de ruine. Aujourd’hui inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, retour sur l’histoire de sa reconstruction et de l’homme derrière ce succès, Auguste Perret.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le Havre est une ville détruite, c’est une des villes Européennes qui a subit les dommages les plus importants. Les plus gros dégâts sont survenus les 5 et 6 Septembre 1944 lors du bombardement de la ville par les alliés pour vaincre l’occupation nazie. Ce qu’on appelle l’opération Astonia a été décisif dans le processus de libération mais transformera le Havre en un immense champ de ruine. Avec 150 hectares rasés, 5000 morts, 12500 immeubles démolis, 350 épaves de bateau, la quasi-totalité des quais détruite, la ville du Havre a tout à reconstruire.
60 ans après, le centre ville du Havre telle qu’on le connait aujourd’hui est classé patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Son architecture est citée dans de nombreux ouvrages spécialisés. Le Havre est visité par des architectes du monde entier. Inéluctable dans les écoles d’architecture et aujourd’hui destination privilégiée dans le tourisme culturel, le centre ville du Havre, bien qu’étant un sujet de controverse, est une pépite incontournable dans le monde l’architecture.
« L’architecte qui a ouvert la voie à l’architecture moderne »
L’homme derrière ce renouveau, c’est Auguste Perret (1874-1954). Brillant architecte, visionnaire et avant-gardiste, il fonde l’agence Perret Frères, une agence d’architecte et entreprise de travaux public et particulier, avec ses deux frères entrepreneur et architecte. Le théâtre des Champs Elysées, l’Eglise de Raincy, l’église de Montmagny, les docks de Casablanca et bien d’autres sont signé les frères Perret. Perret Frères devient l’agence d’architecte la plus reconnue durant la première moitié du 20ème siècle et sa portée devient vite internationale.
Le travail d’Auguste Perret est basé sur la recherche des possibilités d’utilisation du béton armé qui est encore à l’époque un matériau expérimental. Il deviendra le plus grand théoricien en la matière. Auguste Perret est un avant-gardiste qui a modernisé l’architecture du 20ème siècle. Ainsi Lecorbusier le décrira comme « Celui qui a ouvert la voie à l’architecture moderne, celui qui reliera le XXe siècle à la ligne conquérante tracée par le XIXe siècle ».
Quand le maire de la ville du Havre, Raoul Dautry, lui confie le projet de reconstruction de la ville, c’est une consécration pour Auguste Perret. Il déclare : « Je vois « un front de mer » qui regrouperait tous les monuments de la ville et escorterait les navires jusqu’à leur entrée au port. De hautes tours abriteraient les bureaux des grandes compagnies de navigation, des négociants, des industriels. Elles s’élèveraient bien au-dessus des maisons de la ville, qui ne dépasseraient pas 5 ou 6 étages ».
Le Havre, moderne mais austère et anti-écologique : controverse
Auguste Perret décide de ne pas recréer la ville d’avant la guerre mais de créer une ville nouvelle, la ville du 20ème siècle. Selon lui, « la charpente en béton armé est prête à couvrir le monde d’une authentique architecture ». C’est sur cette conviction que se basera toute l’architecture du centre ville. Ainsi le résultat sera unique, avant-gardiste et moderne et le Havre est aujourd’hui une des rares villes associé au nom d’un architecte.
Cependant, le résultat est controversé, le Havre est une ville toute bétonnée à qui beaucoup reprocheront sont austérité. Au-delà, et aujourd’hui encore plus qu’hier, le débat persiste avec la naissance des préoccupations écologiques à la fin du 20ème siècle. En effet, de part son processus de fabrication ultra polluant, le béton issu du ciment est considéré comme un matériau anti écologique.
Ceci explique le débat virulent qu’a engendré l’entrée du centre ville du Havre au patrimoine de l’UNESCO. D’une part, l’inscription de constructions modernes n’y est pas de coutume, d’autre part, sa caractéristique principale loin des préoccupations écologiques actuelle ne fait pas l’objet d’un consensus.
Le Havre est un exemple d’après-guerre exceptionnel de l’urbanisme et de l’architecture, basé sur l’unité de la méthodologie et sur le système de la préfabrication, l’utilisation systématique d’une trame à module et l’exploitation novatrice des potentiels du béton. Tel a été le critère décisif de l’inscription du Havre au patrimoine de l’humanité en 2005 après de longs débats.
Aujourd’hui, à l’ère de l’écologie un espace construit sur les mêmes fondements ne ferait certainement pas l’objet de la moindre distinction. Replacé dans son contexte d’après-guerre, Le Havre est le fruit du travail d’un architecte de talent et le témoin d’une France qui se relevait en ouvrant une nouvelle page, celle de la modernité !