Fermes urbaines, simple tendance ou solution d’avenir ?
En plein essor depuis les années 2000, les fermes urbaines permettent de cultiver une grande variété de végétaux tout en respectant l’environnement. Cette méthode représenterait-elle l’avenir de l’agriculture ?
Des poivrons dans la cave, des tomates sur le toit
Dans la cave, des lampes se substituent à la lumière du jour, reproduisant à l’identique le spectre solaire. La terre est remplacée par un substrat en fibre de coco, irrigué par tous les nutriments nécessaires à la croissance et à la floraison. Sur le toit, des verrières emmagasinant la chaleur abritent pieds de tomates et de courgettes. Le spectacle, encore peu banal, pourrait bien se généraliser en France, où start-up, collectivités locales et particuliers s’intéressent de très près à cette nouvelle aventure. Malmenée par l’urbanisation, l’agriculture s’est peu à peu éloignée des villes, ne laissant subsister que de rares lopins de terre ou quelques vignes à usage plus folklorique que nourricier. Pour l’exemple, seuls cinq hectares de culture ont survécu dans un Paris intra-muros qui en comptait 600 au XIXe siècle.
Des avantages à la pelle
Si les fermes urbaines focalisent les ambitions des maraîchers 2.0, c’est qu’elles ne sont pas de simples évolutions des potagers et autres balconnières. Elles pourraient même représenter une solution face aux problèmes d’urbanisation, de surpopulation, de manque et d’appauvrissement des terres agricoles. Nombre de chercheurs placent de grands espoirs dans le déploiement de ces fermes aux avantages certains. Moins gourmandes de 90 % en eau par rapport aux cultures classiques, moins sensibles aux insectes et parasites, et donc peu ou pas consommatrices de pesticides, leur production est destinée à être distribuée en circuit court et ne nécessite ni stockage, ni réfrigération. De plus, les fermes urbaines permettent aussi de créer un lien social entre citoyens, comme l’illustre l’exemple de Detroit. Ravagée par la crise de 2007, la ville a transformé de nombreux terrains laissés en friche en terres agricoles, permettant aux habitants de se ressouder après la tempête tout en subvenant à leurs besoins.
Start-ups et jeunes pousses
La France, pays à longue tradition agricole, a mis du temps à adopter le principe de l’agriculture urbaine. Montréal, ville pionnière en la matière, a fait preuve d’un volontarisme à toute épreuve, à tel point que 42 % de ses habitants participent à ce type d’agriculture. Mais l’Hexagone, peu à peu, rattrape son retard, et les initiatives se multiplient sur son territoire. La zone de Wittenheim, dans la banlieue de Mulhouse, les Jardins Perchés de Tours ou encore la Ferme Urbaine Lyonnaise produisent d’ores et déjà plusieurs tonnes de légumes. De nombreuses collectivités locales soutiennent ces projets, et tentent d’intégrer ces nouvelles fermes dans leurs projets d’aménagement urbain.
Les start-up ne sont pas en reste, comme le prouve le succès d’Agricool, qui vient de lever 8 millions d’euros afin de parfaire sa technique et d’assurer la distribution de ses fraises, qui poussent dans des containers en plein Paris. Les associations se mobilisent aussi, permettant notamment la production de framboises, de fraises et d’herbes aromatiques sur le toit des Galeries Lafayette. Au niveau mondial, l’addition de ces initiatives, petites ou grandes, fait prendre conscience de l’ampleur du phénomène : 70 millions d’hectares sont en effet consacrés à l’agriculture urbaine.
De grands projets pour l’avenir
Mais cette agriculture nouvelle génération n’en est encore qu’à ses balbutiements. Au Japon, des entreprises aussi puissantes que Toshiba, Panasonic, Fujitsu ou Sharp étudient très sérieusement des projets de fermes verticales, des tours entièrement dédiées à la production animale et végétale. Visant à établir l’autosuffisance alimentaire d’un quartier, ces bâtiments se veulent autonomes, l’eau étant recyclée, les déjections des animaux transformées en engrais pour les plantes et les résidus végétaux nourrissant les bêtes.
Si l’idée est séduisante sur le papier, ces projets se heurtent à des problèmes fondamentaux. Les coûts réclamés par la construction et la maintenance d’un tel immeuble seraient colossaux, rendant toute rentabilité illusoire. De plus, la consommation d’électricité requise pour alimenter lumières et climatisation rendrait l’entreprise bien peu écologique. Ces deux obstacles majeurs seront peut-être un jour levés par la découverte d’une technologie moins gourmande, et ces grandes tours s’élèveront alors dans les centres-villes de Paris, Tokyo, New-York ou Dubaï.
Une réelle solution pour l’avenir ?
L’agriculture toute entière ne se délocalisera pas en ville, et la ville ne se transformera pas en ferme géante. La richesse des terroirs agricoles français permet de subvenir à la majorité des besoins alimentaires, laissant encore de beaux jours à l’agriculture traditionnelle. Les fermes urbaines semblent plus vouées à se multiplier dans des pays contraints, par des nécessités géographiques ou climatiques, à trouver une alternative viable face aux problématiques alimentaires.
Si ses détracteurs lui reprochent sa consommation énergivore, lui opposent le manque de place ou s’offusquent de ces végétaux aseptisés produits en laboratoire, le concept a néanmoins le mérite de proposer des solutions au défi posé par la surpopulation. En 2050, neuf milliards d’individus peupleront la planète. Soit, neuf milliards de personnes à nourrir, dont 70 % habiteront en milieu urbain.