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David Adjaye, le passeur de cultures

A 51 ans, David Adjaye est au sommet de son art. Multipliant les projets et les récompenses, l’architecte basé à Londres a su concilier influences africaines et occidentales pour créer une œuvre puissante et originale.

Un musée attendu de longue date

La cérémonie des Beazley Designs qui s’est déroulée à Londres le 25 janvier dernier, a désigné sans surprise le Musée de l’histoire et de la culture afro-américaine de David Adjaye comme œuvre de l’année. Réussite tant sur le plan architectural que symbolique, le musée qui a ouvert ses portes à Washington en face du célèbre obélisque, a été inauguré en septembre 2016 par Barack Obama. Ses 33.000 mètres carrés, sa façade aux 3600 panneaux rappelant la ferronnerie africaine et sa forme de couronne servent d’écrin aux collections illustrant l’apport de la culture noire sur le continent américain. Pourtant, la tâche était délicate pour David Adjaye qui se devait de réussir la conception d’un musée attendu depuis un siècle.

En 1915, des vétérans de la guerre civile américaine avaient ouvert une souscription pour qu’un mémorial soit érigé en mémoire des combattants noirs. Resté lettre morte, le projet avait ressurgi dans les années 1970 sous la forme d’un musée. Mais il aura fallu attendre 2003 pour que le Congrès donne son aval, et 2012 pour que la construction commence. Les attentes étaient énormes, au niveau fédéral aussi bien que privé, une grande partie des 480 millions d’euros nécessaires à la construction ayant été financée par des dons. Plus d’un an après son inauguration, le succès public ainsi que le prix Beazley Designs confirment que David Adjaye a bel et bien réussi sa mission.

Le « starchitecte » de Londres

Fils d’un diplomate Ghanéen, le jeune David Adjaye passe son enfance entre plusieurs pays d’Afrique. Cette expérience lui permettra de s’imprégner des cultures égyptiennes, tanzaniennes et libanaises, qui se retrouveront plus tard dans ses réalisations. Sa famille ayant déménagé à Londres, il entame sa carrière d’architecte en 1993 après un passage au Royal College of Art. L’année suivante, il fonde son propre cabinet, basé dans le nord de Londres.

Très vite, David Adjaye occupe le devant de la scène architecturale anglaise, et ses projets sont immédiatement remarqués pour leur vision originale. Les commandes affluent : il construit tour à tour les maisons de l’acteur Ewan McGregor, du styliste Alexander McQueen et du peintre Christopher Ofili. Des hôteliers et des restaurateurs font appel à cette étoile montante pour la création de projets encensés par la critique.

Parallèlement à ses engagements dans le privé, David Adjaye est mandaté par les autorités pour créer des lieux publics en rupture totale avec le passé. Dans ce sens, sa plus grande réussite se situe dans le quartier de Whitechapel, où l’architecte a transformé un ancien centre commercial des années 1960 en un « Idea Store », bibliothèque d’un nouveau genre. Ouvert tous les jours de la semaine, le bâtiment abrite une vaste bibliothèque en libre-service, des salles de cours, des cafés et des restaurants, ainsi qu’une crèche, faisant de l’endroit un haut lieu de culture, de formation et d’échanges. Cette réussite lui vaudra de recevoir l’Ordre de l’Empire britannique des mains du prince William.

Faire face à l’adversité

Dans le même temps, les Britanniques découvrent le visage de David Adjaye grâce à une série d’émissions diffusées sur la BBC. Durant six épisodes, l’architecte résume l’esprit d’une construction ou d’une ville. Toujours produit par la BBC, un documentaire de 59 minutes, « Building Africa: Architecture of a continent », est tourné en 2005. Mais, quatre années plus tard, la success story de David Adjaye menace de s’arrêter net. Victime de plusieurs annulations de commandes simultanées, son étude doit faire face à une faillite retentissante. Se plaçant sous la protection de la loi, il parvient à rebondir et à sauver à la fois son cabinet et sa réputation.

Depuis, David Adjaye enchaîne les réalisations sur tous les continents, qu’il s’agisse de bâtiments résidentiels, publics ou à vocation commerciale, sans jamais se départir de son style si particulier. Parmi ses prochains projets figurent la construction d’un gratte-ciel à Manhattan, du monument de l’Holocauste à Londres, ainsi que l’aménagement d’un parc en Floride. De quoi asseoir un peu plus une réputation déjà bien établie.