Ces plantes qui se nourrissent de nos déchets
Filtres plantés à flux vertical ou horizontal, lagunages, il existe de nombreuses variantes des systèmes de phyto-épuration. Il s’agit en fait tout simplement du traitement des eaux usées par des plantes. Le procédé n’est pas nouveau mais commence à intéresser particuliers et pouvoirs publics pour ses aspects écologiques, mais également urbanistiques et économiques. A quand des égouts entièrement recouverts de roseaux ? Cela n’est peut-être pas si loin…
La phyto-épuration : principe de base
Il repose sur l’action combinée de deux organismes vivants : les bactéries aérobies et les plantes. Ce duo est capable de transformer à lui seul en matière végétale certains produits polluants ainsi que la matière organique présents dans les eaux usées.
Les bactéries aérobies sont des micro-organismes ayant besoin d’oxygène pour vivre. Elles se localisent préférentiellement dans les racines des plantes aquatiques, puisque ces dernières rejettent justement de l’oxygène.
Certains polluants comme les nitrates et les phosphates peuvent être directement absorbés par les plantes, qui les utilisent comme engrais. Mais ce n’est pas le cas de la matière organique présente dans les eaux usées. Les bactéries aérobies vont transformer cette matière organique en matière minérale. Cette matière minérale pourra être ensuite assimilée par les plantes.
Ainsi, les déchets présents dans les eaux usées peuvent être en grande partie filtrés et assimilés de manière tout à fait autonome. Si le dénivelé du terrain le permet, l’écoulement de l’eau se fait par la simple force de gravité, ce qui permet une dépense énergétique nulle.
Les plantes choisies dépendent du lieu. Il est préférable d’utiliser des espèces locales, ou qui pourront s’adapter au climat. Les roseaux et bambous sont particulièrement appréciés pour le volume de leurs racines, permettant une grande capacité de filtrage, et une production d’oxygène importante, alimentant un grand nombre de bactéries aérobies.
Filtrer les déchets de nos campagnes…
En France, une loi datant de 2005 oblige tous les particuliers n’étant par raccordés au tout à l’égout (ce qui représente un tiers des logements) à opter pour un système individuel d’assainissement des eaux usées. La phyto-épuration s’applique principalement aux habitations rurales. Si il a l’avantage d’être écologique, esthétique et d’éviter les odeurs, le système est gourmand en surface (environ 2 à 5m2 par habitant), et le terrain doit être adapté.
Une partie de la population intéresse tout particulièrement les entreprises de phyto-épuration : les agriculteurs. L’agriculture est une activité très consommatrice en eau, et productrice d’eaux polluées. L’utilisation de ces systèmes d’épuration, notamment pour traiter les effluents d’élevage et des industries de transformation agro-alimentaires représente un avantage écologique ainsi qu’un gain de temps et d’argent.
… Et les égouts de nos villes
La phyto-épuration peut également être utilisée à plus grande échelle. En 2011 par exemple a été inauguré à Loches la première piscine municipale filtrée exclusivement par des plantes. Le procédé n’était jusque là utilisé que pour des piscines de particuliers. L’investissement est plus lourd que pour une piscine normale, mais le prix d’entretien est moindre. C’est donc un investissement à long terme intéressant pour la commune.
L’un des exemples les plus spectaculaires d’utilisation de la phyto-épuration en milieu urbain nous vient de Chine. Dans le pays le plus peuplé du Monde, à l’urbanisation démesurée, la gestion des eaux usées est un défi d’envergure.
La ville de Fuzhou, 6 millions d’habitants, et dont les eaux usées des ménages et des industries sont déversées dans des canaux à ciel ouvert a opté pour l’épuration par les plantes. 12000 plantes de 20 espèces différentes ont été disposées sur un canal de 600 mètres. Depuis le début du projet en 2002, la réhabilitation du canal a totalement modifié l’urbanisme du quartier. Une promenade a été créée dans un univers bien plus naturel qu’à l’origine, et la qualité de l’eau a été grandement améliorée, ce qui a eu pour conséquence de limiter les nuisances, notamment les mauvaises odeurs.
La phyto-épuration : un secteur d’avenir
La profession commence à s’organiser. Une fédération des entreprises du secteur de l’épuration végétalisée (FEVE) vient d’être fondée par six entreprises. à la vue de l’ampleur des défis à relever, le cahier des charges pour intégrer cette fédération est très sélectif. En effet, outre la question de la compétitivité dans un secteur très concurrentiel, les professionnels de la phyto-épuration ont également fait face à des obstacles juridiques. Bien qu’elle ait toujours été autorisée en complément des méthodes traditionnelles d’épuration, l’utilisation exclusive de ce procédé pour des particuliers n’est autorisée par la Loi que depuis 3 ans. Cela ouvre la voie à de nouveaux marchés et promet un bel avenir à ce secteur.