Philippe Rahm, une architecture du climat
En décembre 2020 a été inauguré à Taichung (TaÏwan) un jardin public de 67 hectares, le Jade Eco Park. Conçu par Philippe Rahm, ce parc réunit les principes d’une architecture en empathie avec le climat, celle pour laquelle l’architecte milite depuis des années.
Cette œuvre, d’un budget de 90 millions de dollars, est l’aboutissement d’un travail de dix ans. Réalisé en collaboration avec la paysagiste française Catherine Mosbach et le maître d’œuvre taïwanais Ricky Liu, il a permis à Philippe Rahm de mettre en pratique son concept d’architecture météorologique.
Philippe Rahm naît le 28 avril 1967 à Pully près de Lausanne (Suisse), d’un père cadre chez Nestlé et d’une mère bibliothécaire. Après un bac scientifique, il intègre l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. A l’époque, se souvient Philippe Rahm « l’architecture était très symbolique : un bâtiment en verre signifiait la transparence, donc la démocratie ; une caserne de pompiers devait être rouge. » Or ce qui l’animait déjà, au contraire, c’était le réalisme : l’aspect physique, la matérialité des choses.
C’est ce réalisme qu’il va mettre en œuvre dès 1995, deux ans après son diplôme, au sein de l’agence qu’il ouvre à Lausanne avec l’architecte Jean-Gilles Décosterd. Dès leur première commande, l’extension d’une maison d’amis au bord du lac de Neuchâtel, ils mixent le béton avec les agrégats locaux riches en phosphate et en potasse. Du coup, l’eau en ruisselant, nourrit les sols.
Jongler avec l’air et la lumière
En 2002, pour la Biennale d’architecture de Venise, ils conçoivent le projet fou de recréer un climat montagnard dans le pavillon suisse. Dans leur Hormonorium, ils reconstituent le taux d’oxygène et la température qui règnent à une altitude de 3.000 mètres ; 500 néons recréent la lumière blanche intense des paysages de neige. Ils créent aussi des stimuli olfactifs et visuels. « Nous voulions que le corps la ressente de manière physiologique », souligne Philippe Rahm évoquant cette architecture.
En 2008 Philippe Rahm s’installe seul à Paris. C’est là que se précise son concept d’architecture météorologique. Il s’agit pour lui de créer des atmosphères en jonglant avec la lumière, la température, l’air. De fait, par le passé, de nombreux architectes prenaient déjà en compte ces principes, comme par exemple Andrea Palladio, au XVIè siècle, avec sa villa Rotonda (Italie).
Avec le réchauffement climatique, l’époque invite à revenir à ces principes. Qui plus est, comme le précise Philippe, l’informatique permet aujourd’hui de modéliser facilement les flux d’air.
Pour le Jade Eco Park, explique son concepteur, « nous ne voulions pas que le parc ait seulement une vocation de loisir, mais qu’il serve à rafraîchir la ville, qu’il prenne en compte la pollution de l’air, la gestion des eaux de pluie ou l’assèchement dû au climat subtropical. »
Car l’architecture, selon Philippe Rahm, va obliger à repenser la forme des villes pour y créer des courants d’air, et donc une auto ventilation, ce qui représente un défi. C’est un vaste champ d’expérimentation qui s’ouvre ainsi. Pour Philippe Rahm, « Il faut que les architectes comprennent que les données climatiques ne sont pas des contraintes, mais peuvent générer une nouvelle esthétique ».
Photos : site de Philippe Rahm architectes