Voiture autonome : un parcours semé d’embûches
2020 devait être, selon la promesse d’Elon Musk, l’année de la voiture autonome. Mais la route s’avère encore longue avant l’arrivée de tels véhicules.
En octobre 2010, Google présentait fièrement sa Google Car, quintessence de technologie permettant de concrétiser un rêve remontant aux années 1960. Si des essais plus ou moins couronnés de succès avaient précédemment eu lieu sur circuit fermé, Google ambitionnait, grâce à son exubérante santé financière et sa cohorte d’ingénieurs, d’amener ces véhicules intelligents sur les routes ouvertes jusqu’alors uniquement empruntées par les conducteurs humains.
Trop humains, car, selon une étude menée aux États-Unis, 95 % des accidents de la route relèvent d’une erreur de pilotage. Autonomie, sécurité, gain de temps, fluidification du trafic… nombreux sont les avantages promis par l’arrivée annoncée de ces véhicules pas comme les autres. Une arrivée qui, de reports en désillusions, se fait particulièrement attendre.
Des milliards de dollars en investissements
Google, mais aussi Ford, General Motors, Volkswagen, Uber, Tesla, Honda… La liste des entreprises ayant misé sur le véhicule autonome semble rassembler tout le gotha du secteur Hi-Tech et des constructeurs automobiles. Se chiffrant en centaines de millions, voire en milliards de dollars dépensés par chacun des protagonistes, ces investissements ont culminé en 2016, année qui semble marquer un premier infléchissement dans ce qui ressemblait de plus en plus à une ruée vers l’or. Nécessitant de débloquer d’énormes fonds pour des profits qui ne débuteront, dans le meilleur des cas, que dans plusieurs années, le concept de voiture autonome a fait l’objet d’une bulle spéculative qui s’est depuis fortement contractée. Les déconvenues technologiques, réglementaires et sécuritaires ont dominé ces dernières années, accentuées par une pandémie faisant fortement ralentir les recherches en cours.
Un système encore loin d’être infaillible
Tempe, Arizona, 18 mars 2018. En l’espace d’un instant, l’enthousiasme qui présidait à la mise au point d’un véhicule autonome a connu un sérieux coup de frein. Une piétonne de 49 ans décède après avoir été percutée par un véhicule Uber en cours de tests. Ce drame met en évidence les dangers liés aux essais sur route ouverte, tout en démontrant les lacunes du système de pilotage. De nombreuses difficultés restent encore à surmonter, et ce malgré les performances d’un matériel informatique et de capteurs que l’on pensait jusqu’alors infaillibles. Les normes, elles non plus, ne sont pas encore prêtes, comme en témoigne le débat sur l’attribution d’un standard apte à faire communiquer les véhicules entre eux ainsi qu’avec leur environnement, et ce quel que soit le système embarqué.
Quel usage privilégier ?
Autre débat dominant : comment utiliser ces véhicules une fois qu’ils seront sur les routes ? Quel modèle devra être privilégié entre celui de la voiture individuelle et celui d’une flotte partagée entre usagers ponctuels ? Les avis sont encore fortement contrastés entre constructeurs et défenseurs de l’environnement, administrations locales et nationales et futurs passagers. Si la possession d’un véhicule individuel est encore fermement ancrée dans les mœurs, les mentalités pourraient changer, notamment en ville où le stationnement pose de nombreux problèmes.
Un stationnement qui représente en moyenne 95 % de la vie d’un véhicule. Les coûts entraînés par l’automatisation d’une voiture s’élèveraient, de plus, entre 5000 et 20.000 dollars, rendant son acquisition rédhibitoire pour la plupart des clients potentiels. Un cadre d’usage doit encore être trouvé avant que les premières voitures n’arrivent sur le marché.
Règles de conduite
Un autre problème concerne les réglementations, encore balbutiantes et qui mettront certainement des années avant d’être mises au point, puis uniformisées. Prometteurs et optimistes il n’y a encore que quelques années, les projets liés à la voiture autonome sont devenus de plus en plus incertains et hésitants. L’arrivée de la Covid-19 a encore plus compliqué les choses. Alors que 2020 devait voir arriver les premières commercialisations, cette année de pandémie marquera au contraire une année noire pour le secteur.
Dès le mois de mars, tous les essais sur route ouverte ont été interrompus. Imposée depuis l’accident de Tempe, la présence de deux techniciens à bord de chaque véhicule de test a été rendue impossible pour cause de mesures de distanciation sociale. Si les tests continuent sur simulateur, l’interruption des essais sur route se montre particulièrement préjudiciable. L’approvisionnement en matériel a lui aussi souffert de pénuries dues aux difficultés liées aux importations.
Ce brusque coup d’arrêt de 2020, même s’il n’est que provisoire, a entraîné une baisse des financements, plus que jamais portés sur des investissements lucratifs sur le court ou moyen terme. Des licenciements et des fermetures temporaires d’usines laissent augurer d’un retard qui ne pourra qu’être préjudiciable au secteur. Déjà, en 2018, bien avant la crise traversée actuellement, l’INRIA estimait que les premiers véhicules autonomes n’apparaîtront sur la voie publique qu’aux alentours de 2040. Loin, très loin des prédictions d’Elon Musk.
Photos : sciencesetavenir.fr – knaufautomotive.com