Alain Thébault nous fera voler sur les océans
Il y a 20 ans, le navigateur Alain Thébault concrétisait le rêve de son mentor, le regretté Eric Tabarly, en faisant voler un bateau sur les océans, son célèbre « hydroptère », lancé en 1994. Aujourd’hui, le « Français volant sur les mers » s’attaque à un autre rêve d’enfant : les « bulles volantes électriques ». Un nouveau projet dans lequel il fonde les mêmes espoirs fous qu’en son hydroptère, perçu à l’époque comme une chimère par les observateurs.
Luttant contre vents et marées, le skipper de 53 ans est d’un naturel fantasque et têtu. Amateur de risque et de vitesse sur les vagues, il est aussi entreprenant et intrépide dans les bureaux d’études. Ces 20 dernières années, il a su obtenir, jusqu’à épuisement, le soutien personnel et financier de grands industriels français autour de ses projets aussi novateurs les uns que les autres.
De l’hydroptère aux bulles volantes
L’hydroptère, ce bateau volant au-dessus des flots, peut planer jusqu’à 4 mètres du niveau de l’eau, ne reposant techniquement que sur 2 ailes porteuses profilées, les « foils », et un gouvernail de profondeur, pour guider le voilier multicoque. « L’aile devient couteau et le bateau devient oiseau », selon les mots passés à la postérité de son fondateur.
Son nouveau projet, qu’il perçoit comme citoyen et écologique, recycle le même principe que l’hydroptère : des bulles, des cabines constituées d’une coque arrondie suspendue à 4 ailes, à zéro émission qui pourraient accueillir jusqu’à 4 passagers. « La solution d’avenir pour désengorger le trafic routier, sur la Seine, sur la Tamise, ou encore dans la baie de San Francisco, des zones maritimes et fluviales qui sont aujourd’hui sous-utilisées », explique-t-il.
Des bulles électriques volant sur la Seine
« Je souhaiterais que Paris soit la première capitale à tester les premiers prototypes de vos bulles volantes électriques sur la Seine, dès le printemps prochain», lui a écrit Anne Hidalgo dans une lettre datée du 13 novembre dernier. Encouragé par le maire de Paris, le fondateur enthousiaste renchérit : « nous pourrions sans doute utiliser les pontons des « batobus », les fameuses navettes fluviales parisiennes. Dotés de 2 petits moteurs électriques, ces taxis du futur ont déjà un nom déposé, les « Sea Bubbles », littéralement des bulles de mer. Dans son livre « Pilote d’un rêve », Alain Thébault estime le coût du premier prototype de bulles volantes à 800.000 euros, en précisant qu’à l’instar des débuts de l’aviation, des casses d’ordre mécanique surviendront inévitablement, engendrant de nouveaux coûts.
Poussé sur la voie citoyenne par ses filles
Ce sont ses propres filles qui lui mettent la puce à l’oreille : « c’est bien d’être le plus rapide en voile, mais tu dois mettre ton inventivité au service de la collectivité, afin que tout le monde ait la chance de voler sur l’eau ». Reste, comme toujours, à trouver un financement. Ces 20 dernières années, il a bénéficié du soutien technologique et financier de grands groupes aéronautiques et maritimes, de collectivités locales, et d’institutions scientifiques. Cependant, le groupe Dassault quitte le navire en 1998, après la rupture d’un des « foils », que le mécène refuse alors de refinancer. Le retrait de l’avionneur manque d’enterrer le projet, mais le groupe Airbus prend le relais, avec l’appui également de la région Pays de la Loire, d’Alstom, du groupe d’industrie navale militaire DCNS, et même d’un banquier suisse.
« Des bulles partout dans 20 ans »
Pour la partie design, 3 maisons de luxe ont été contactées, dont la famille Courrèges. La veuve d’André Courrèges, déjà engagé dans les voitures non–polluantes et décédé en janvier 2016, a investi 100.000 euros dans la start-up pour lancer les premiers prototypes. Le P-DG des drones Parrot, Henri Seydoux, est aussi de l’aventure, et le fonds d’investissement Blackstone a également marqué son intérêt auprès du navigateur. Ce dernier serait aussi en contact avec d’autres investisseurs, à Paris, Genève, Londres, et San Francisco.
Mais, Alain Thébault préférerait que le projet reste français. Il exhorte les investisseurs potentiels : « Dans 20 ans, il y aura des bulles partout ». Selon ses estimations, chaque bulle ne devrait pas coûter plus de 12.000 euros l’unité, une fois le projet commercialisé. Le moment est venu d’investir.