BATTERSEA Power Station : L’usine à rêves
En bordure de la Tamise, un quartier se métamorphose. Les briques rouges de l’ancienne centrale électrique accueillent aujourd’hui un complexe ultramoderne.
Il y a des pochettes vinyles qui traversent le temps et qui écrivent de nouvelles histoires. Bientôt quarante ans que les Pink Floyd sortaient leur dixième album Animals. Le concept de l’album repose sur trois catégories d’animaux représentant la société anglaise de l’époque : les moutons, les chiens et les cochons. Sur la pochette de l’album on y voit cette immense usine au-dessus de laquelle vole un cochon (ou plutôt une truie du nom d’Algie). Elle observe les « errances et la décadence de la société ».
En cette même année 1977, Margaret Thatcher décide de s’en prendre au symbole du monde ouvrier et menace de fermeture Battersea. En 1983, s’achève une page de l’histoire du monde ouvrier londonien, l’usine à charbon cesse sa production et devient un bâtiment silencieux.
Des années 30 au vingt-et-unième siècle
Située sur la rive sud de la Tamise au sud-ouest de Londres, la centrale électrique Battersea est construite en dix ans et démarre sa production en 1939. Ce bâtiment de briques (le plus grand d’Europe) domine le quartier industriel, quatre cheminées blanches s’élancent dans le ciel de la ville. L’architecte Giles Gilbert Scott, connu pour être l’auteur de la célèbre boîte aux lettres rouges de la Royal Mail, réalise cet ensemble rectangulaire de 27 000 m2.
Peu à peu, le gaz, le pétrole et le nucléaire s’imposeront comme énergies modernes. La centrale tombera dans l’oubli laissant place à d’innombrables projets.
Une ville dans la ville
Devenue centre historique, la vieille centrale devient un lieu culturel où se régalent les photographes ainsi que les cinéastes. Concerts et défilés de mode s’y déroulent. Battersea devient un lieu branché mais aussi un nid à projets. Parfois transformée en skatepark, en piste de ski et même en cirque, l’usine se cherche un avenir. En 2008, le club de Chelsea projettera même de racheter la friche pour y un construire un nouveau stade. Il faudra attendre l’été 2012 pour qu’enfin un groupe malaisien signe un chèque de 512 millions d’euros et devienne propriétaire de l’ensemble situé sur un terrain de 17 hectares.
Le projet souhaite préserver au maximum l’esprit du lieu, ainsi les structures art-déco, les cheminées, certains graffitis comme les salles de contrôle seront conservés. Un parc s’étendra en bordure de la Tamise où des stations de bateaux-taxis verront le jour. L’ensemble comprendra pratiquement autant de commerces que de bâtiments résidentiels. 8 milliards de livres (10 milliards d’euros) seront nécessaires pour mener à bien l’édification cette nouvelle ville dans la ville.
Quand le cochon cède la place aux faucons
Au démarrage du chantier, des équipes d’ouvriers se sont aperçus qu’un couple de faucons pèlerins avait élu domicile dans une des cheminées et y avaient pondu des œufs à plusieurs reprises. Des petits étaient nés, la construction risquait de gêner cette espèce protégée et agacer sérieusement les écologistes. Il a fallu donc construire une tour individuelle où ils ont pu trouver refuge.
Des seventies aux premiers battements du XXIe siècle, un cochon et des faucons auront survolé les quatre cheminées de Battersea, observant un monde qui se transforme au gré des mutations.
Un quartier pris d’assaut
Au total, Battersea comptera 4 000 logements, 150 000 m2 de bureaux et 325 000 m2 de commerces, restaurants ainsi qu’un parc public. Une promenade piétonne formera une coulée verte de 4,5 kilomètres de long. Deux nouvelles stations de métro relieront ce quartier au centre de Londres en quelques minutes, de quoi attirer de nouveaux investisseurs. Notons que parmi les ensembles prévus deux sont signés par les plus prestigieux architectes du moment : Normal Foster et Franck Gehry, ce dernier ayant réalisé le musée Guggenheim de Bilbao. L’immeuble dessiné par Foster sera proposé à des loyers aux prix modérés. Là aussi le souhait de conserver l’existant prédominera, à son sommet on y trouvera un jardin au milieu d’une ancienne ligne de métro suspendue et désaffectée.
Dès la mise en vente sur plan de la première phase de logements située à l’ouest de la centrale, plus de 500 appartements sont partis en à peine trois semaines. Idem pour la phase 2 où 250 logements ont été vendus en un temps record. Le studio se négociant à 600 000 euros et le quatre pièces à 4 millions. Reste que quelques logements libres ainsi qu’un penthouse réservé à une clientèle capable d’investir 13 millions d’euros. Initiateur du projet, Rob Tinckell souhaite y créer « un esprit de village » où la mythique Battersea Power Station renaît tel un faucon dans le ciel londonien…