Comment recycler le marc de café en nourriture raffinée et révolutionner l’agriculture urbaine ?
En manque d’idée pour gagner de l’argent tout en agissant positivement sur l’environnement ? La solution est simple : allez donc fouiller dans les poubelles des cafés! C’est ce que deux étudiants de Berkeley ont fait avec, à la clé, une entreprise écologique et sociale rentable et simple, Back to the Roots (BBTR) (retour aux racines). Le résultat : des champignons comestibles qui poussent chez vous grâce au café que vous avez dégusté au bar du coin. Un modèle d’agriculture urbaine d’un genre nouveau.
Mikhil Arora et Alex Veliz, sont deux étudiants à l’université de Berkeley, Californie, à l’avenir déjà tout tracé. En mai 2009, il ne leur reste que quelques semaines de cours avant de commencer leurs carrières respectives en consulting et banque d’investissement. Mais voilà que le destin leur joue un drôle de tour ! Pendant un cours sur le business éthique, leur professeur mentionne la possibilité de faire pousser des champignons gourmets avec du marc de café. Il ne donne pas plus de détails. L’information passe inaperçue auprès de la plupart des étudiants, enfin presque… Mikhil et Alex, qui ne se connaissent alors pas encore, sont curieux d’en savoir plus sur ces drôles de champignons.
D’un seau avec des déchets de café et quelques champignons à une start-up à succès
Après quelques explications du professeur et des recherches sur le net, ils se mettent à tester cette technique de culture… dans leur cuisine ! L’idée de développer de la bonne nourriture locale avec les fonds de poubelles des autres, et d’en vivre, les passionne tout de suite.
Une dizaine d’essais plus tard, des champignons apparaissent dans leur seau ! Sont-ils bons ? Direction le meilleur resto de San Francisco, Chez Panisse. Verdict du chef : « mais… c’est délicieux !!». Les deux compères se disent qu’ils sont sur un bon coup. Direction Whole Foods Market, chaine de supermarchés bio promouvant les produits locaux, avec le seau de champignons à la main… deux semaines plus tard, ils rencontrent le directeur produit de Whole Foods, qui se prend de passion pour le projet!
L’agriculture urbaine dans chaque cuisine
Ensuite tout s’accélère. Une bourse de 5000 dollars de leur université pour leur innovation sociale et c’est parti ! Les deux associés refusent les offres d’emplois qui leurs avaient été faites et deviennent des agriculteurs urbains de champignons.
Tous les matins, ils font la collecte du marc auprès des cafés et sont … payés pour cela ! En effet, leur premier partenaire, la chaine de cafés Peets, trouve leur idée géniale et ne voit pas pourquoi le service rendu par BTTR serait gratuit. Surtout que le volume collecté est conséquent : près de 10 tonnes par semaine !
Une fois le marc visqueux collecté, il est pressé pour en retirer l’eau et des graines y sont plantées.
Au départ, les champignons étaient produits par l’entreprise et livrés aux magasins partenaires. Mais les clients se sont vite passionnés pour ces champignons, voulant les faire pousser eux-mêmes. Pas besoin de le répéter deux fois. Voilà une idée géniale : transférer la culture dans la cuisine de son consommateur.
De là est né le kit à champignon. Jolie boite en carton que vous pouvez acheter en magasin ou vous faire livrer. Vous l’installez sur l’étagère de la cuisine, percez le plastique, puis après 10 jours vous avez de magnifiques champignons qui apparaissent !
Une entreprise rentable et pédagogique
L’entreprise affiche clairement sa volonté de faire redécouvrir le plaisir de produire soi-même sa nourriture à travers des outils au design attirant. Ces kits attirent en effet non seulement les fins gourmets mais également les enfants et les écoles. Quoi de mieux qu’une boite magique pour montrer comment les aliments poussent et redonner goût à la nourriture produite localement !
L’aspect social de l’entreprise a été poussé au maximum : ainsi, BTTR propose aux écoles de vendre des kits pour lever des fonds pour des projets scolaires. Une boite vendue, 8 dollars de gagnés pour l’école… et de nouveaux accros aux champignons pour la start-up verte !
Ils proposent aussi des ateliers pour initier les enfants au développement durable et au plaisir de faire pousser sa propre nourriture. Approche parfaite pour expliquer son produit et avoir une image positive auprès d’un public de plus en plus écologiquement averti !
Fin 2012, l’entreprise, avec un chiffre d’affaire de près de 5 millions USD, compte 29 employés et les kits sont vendus dans plus de 1200 magasins à travers les Etats Unis, le Canada et même Hong Kong ! L’entreprise est déjà rentable, sans avoir eu recours à aucun prêt ni investisseur extérieur.
Une maitrise parfaite des réseaux sociaux
Chez BTTR, les clients sont vraiment les rois. En faisant le bilan de leurs premières années, les deux associés identifient ainsi 3 leçons essentielles pour la réussite de leur projet. Tout d’abord, les clients veulent savoir de quoi est fait votre produit et comment il est fabriqué. Si on se dit bio, écologique etc. il faut l’être jusqu’au bout.
Deuxième leçon : plus on donne et plus on reçoit. L’utilisation intelligente des réseaux sociaux a permis à la start-up d’étendre son marché grâce à la pub faite par ses clients et le buzz créé par les médias (Oprah, New York Times etc.). Une idée simple : pour chaque photo de champignons partagée sur Facebook, l’entreprise offre un kit à une école choisie par l’internaute. Résultat : 10 000 photos postées, hausse du trafic sur le site internet, marketing viral garanti, et financement rapide des kits offerts.
Troisième leçon, inspirée de la marque de vêtements Patagonia : le pouvoir du marketing transparent. Des champignons en forme de hobbit sortent de la boite ? Pour certaines entreprises, ce serait un signe d’échec. Nobody’s perfect : BTTR sait que ses clients ne s’attendent pas à un produit standardisé. Encore une opportunité de marketing : un concours pour donner des noms à ces champignons est lancé, et le marketing viral reprend de plus belle !
Des déchets sources d’innovation constante
BTTR produit également un déchet, le résidu du marc de café… problème ? Mais non ! Encore une opportunité! Ce résidu s’avère être un excellent engrais que BTTR commercialise avec succès.
Aujourd’hui, leur procédé est copié un peu partout. Pas de quoi effrayer Mikhil et Alex qui en sont déjà à de nouveaux projets : des graines de légumes dans le kit qui pourra être replanté dans le jardin une fois les champignons épuisés. Et puis, un aquarium qui produit des plantes aromatiques. Ce dernier projet a été financé sur Kickstarter avec un succès rapide !
Bref, vous ne regarderez plus jamais votre café ou votre poisson rouge du même œil… Ils sont peut-être en train de révolutionner l’agriculture urbaine de demain!