Farshid_Moussavi

Farshid Moussavi : architecte du plaisir

Farshid Moussavi est à l’affiche en France avec l’ensemble « One » de la Défense et les « Jardins de la Lironde », première Folie du XXIème siècle à Montpellier. Sous les dehors d’une modernité toute de douceur, Farshid Moussavi s’impose comme une des plus grandes architectes contemporaines. Non sans manier, avec beaucoup de grâce, l’art de la provocation. 987abc983656b1a9e6042eab6695dd3b_2Farshid Moussavi est une provocatrice née. Quand on lui demande de réaliser un bâtiment au sein du quartier de La Défense et de ses immenses tours verticales ; elle choisit de privilégier l’horizontalité. Quand elle doit bâtir un supermarché géant pour l’enseigne Metro à Istanbul ; elle opte pour un quasi camouflage de ce lieu de publicité en jouant sur le rouge et le vert des paysages du Bosphore. Lorsqu’elle livre un musée dédié à l’art moderne à Cleveland, plutôt que de rappeler les abstractions de l’art contemporain ; elle va jouer avec la géométrie abstraite de la tradition musulmane. Sa modernité n’est jamais là où on l’attend.

Une multitude d’influences

Farshid_MoussaviLa manière de déjouer les calculs se fait, chez Farshid Moussavi, toute de douceur. Ce n’est pas une provocation bruyante et ostentatoire. Elle déstabilise en cherchant à unir. Comme dans le cours qu’elle donne à Harvard, dont elle a tiré un ouvrage : « fonction de la forme ». Elle tente d’y réunir deux conceptions opposées de l’architecture. D’une part le fonctionnalisme, pour lequel l’édifice se définit par sa fonction. D’autres part le formalisme, qui voudrait que l’architecture ne soit qu’un jeu sur les formes. Ce désir de dépasser les étiquettes, Farshid Moussavi le doit sans doute à ses origines. Née en Iran à Chiraz en 1965, elle émigre à Londres alors qu’elle n’a que quatorze ans. Architecte anglaise d’origine iranienne, comme l’écrivent les biographies officielles, elle ne se reconnait dans aucune tradition et se réclame d’une multitude d’influences. Pour Farshid Moussavi, fonction et forme sont deux concepts unis. Les deux dimensions sont en permanence présentes dans toutes réalisations. L’architecte crée des lieux de vie, de travail, de commerce, de réunion, de passage. Son œuvre se trouve étroitement attaché à l’utilité des édifices. Mais l’architecte crée aussi des formes qui suscitent plaisir, étonnement, rejet, envie de toucher, de voir, de se promener. L’architecte est alors, selon les propres mots de Farshid Moussavi, un créateur d’affects. Ces affects échappent à la simple utilité des bâtiments.

Entre Yokohama et La Défense

Yokohama International Port Terminal in Japan, designed by Farshid Moussavi and Alejandro Zaera-Polo

Yokohama International Port Terminal in Japan, designed by Farshid Moussavi and Alejandro Zaera-Polo

Ainsi quand avec son associé, Alejandro Zaera Polon, elle livre en 1995, le terminal maritime de Yokohama, le bâtiment est à la fois un lieu de desserte et de promenade. Pour faciliter la montée et la descente dans les navires, l’édifice intègre tout un parcours de passerelles en bois, dont le mouvement ondulant rappelle celui des vagues. Un ornement qui invite les voyageurs et les citadins à se promener sur le promontoire qui, sur le toit du terminal, domine la mer. Elle procède de même quand elle crée en 2011, l’ensemble de onze étages « One » à la Défense, dans le voisinage immédiat de la Grande Arche de Johann Otto von Spreckelsen. Pour exister auprès d’un si puissant voisin, au milieu des tours, Farshid Moussavi joue avec de subtils changements d’angles d’un étage à l’autre. Ces décrochages donnent une impression de mouvement qui rompt avec les grandes lignes verticales des constructions avoisinantes. Ils permettent à l’édifice d’exister formellement, mais ils sont aussi une manière d’offrir aux futurs habitants la meilleure lumière et une vue direct sur la perspective mythique qui court entre l’Arche, l’Arc de triomphe et les Tuileries.

Les Folies de Montpellier

Jardins de la Lironde

Jardins de la Lironde

Forme, fonction, Farshid Moussavi se joue avec grâce de ces deux concepts pour créer un style tout de légèreté. Comme dans les Jardins de la Lironde, la première des nouvelles Folies de Montpellier à être mise en œuvre. Là encore un bâtiment de onze étages qui allie la monumentalité d’une tour avec les rondeurs, les jeux d’ombres et de lumières d’une villa méditerranéenne (ce qu’étaient à l’origine les Folies de Montpellier). Mais comme toujours, l’ornement n’arrive pas sans arrière pensée utilitaire. Il s’agit notamment de proposer la meilleure exposition possible à l’ensemble des habitants. Ainsi le plaisir pur de la forme devient utilité. Utilité du plaisir… au fond c’est peut-être là, la plus grande provocation de Farshid Moussavi.